avril 2019
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De las heras Amélie, « Présentation », Institut de recherche et d'histoire des textes, ID : 10670/1.aozkqu
Exégèse et lectio divina : une fausse évidence L'exégèse médiévale, le travail d'interprétation des Écritures qu'elle suppose et les discours qui en découlent, a vu son étude profondément renouvelée depuis plus d'une génération *. On ne peut en dire autant de son format textuel : les conditions ayant guidé le choix de la mettre par écrit et sous une forme donnée sont aujourd'hui encore méconnues, malgré le regret que formula déjà à ce propos Guy Lobrichon, il y de cela vingt-cinq ans. La question du phénomène, visible pour l'historien en tant qu'acte ou occurrence documentée d'une rédaction ayant trait à l'exégèse, demeure ainsi largement ouverte. L'historiographie considère souvent qu'il va de soi dans la société chrétienne médiévale, dont on garde tant de commentaires bibliques-malgré les travaux de Mayke de Jong ou de Sumi Shimahara et leurs salutaires remises en perspective pour l'époque carolingienne. À qui souhaite enquêter sur cette fausse évidence, la péninsule Ibérique offre un laboratoire d'analyses précieux. Klaus Reinhardt et Horacio Santiago-Otero ont autrefois signalé une absence qui n'a reçu qu'indifférence : du commentaire sur l'Apocalypse de Beatus de Liebana, rédigé à la fin du VIII e s., à celui de Martin de León, à la fin du XII e s., n'est connu à l'heure actuelle nul autre commentaire biblique linéaire qui ait été rédigé dans la péninsule Ibérique. Ce que nous désignons comme un hiatus exégétique attire l'attention sur la pertinence qu'il y a à enquêter sur les conditions spirituelles, culturelles, savantes, matérielles ou même institutionnelles qui favorisèrent la tenue du « principal atelier d'interprétation » du Moyen Âge occidental (Alain Boureau). Ces conditions gagnent à être étudiées dans le cadre plus large de la lectio divina, en prenant soin de redéfinir les termes. Dans la médiévistique, le terme « exégèse » est par défaut ambivalent : l'équivalent n'existe pas dans la langue latine. Il renvoie aux expositions, traités, collections d'erreurs, postilles et autres gloses, ainsi qu'aux instruments de travail, tous permettant de lire et comprendre le message divin. Il désigne aussi et plus largement la pratique savante qui cherche à interpréter ce message. Il inclut par conséquent d'autres formes de discours, ainsi que les systèmes de * Ce dossier est issu du colloque « La lectio divina dans la péninsule Ibérique.