2020
Cairn
Julie Lavielle, « Mémoire reconnue et mémoires méconnues du conflit armé colombien : le cas du massacre de Trujillo », Critique internationale, ID : 10670/1.baxjbg
Si la construction de récits publics sur les passés violents est amplement étudiée, la manière dont ces récits interfèrent avec les représentations des groupes auxquels ils s’adressent et dont ils parlent reste peu explorée. Les rapports entre les mémoires locales du massacre du village colombien de Trujillo et une mémoire historique élaborée par une association de victimes qui a acquis une reconnaissance nationale et internationale sont étudiés ici dans une perspective de sociologie de la mémoire. L’enquête empirique révèle qu’il existe un décalage entre cette mémoire historique et les mémoires locales. La faible légitimité de l’association dans le village et l’étiolement des relations entre ses membres ouvrent en effet la voie à une pluralité de façons de se remémorer le massacre. Dès lors apparaissent les limites du récit commun centré sur la souffrance des victimes que l’État colombien essaie de construire depuis les années 2000 : si la douleur des victimes et la construction de la paix semblent être des impératifs à l’échelle nationale, la violence est localement perçue comme fatale et demeure parfois justifiée par les habitants.