2004
Cairn
Christophe Cordonnier, « L'affaire Khodorkovski : Ou l'économie politique de la nouvelle Russie », Le Courrier des pays de l'Est, ID : 10670/1.c3rqyj
Le président de l’une des premières sociétés pétrolières russes, Ioukos, oligarque réputé l’homme le plus riche du pays, a été arrêté le 25 octobre 2003 et emprisonné. Il est accusé d’escroquerie et d’évasion fiscale. Cette action, manifestement commanditée par le Kremlin, a plusieurs motifs. Il s’agit de le sanctionner pour être sorti de son rôle d’acteur économique et s’être positionné sur la scène politique. Bien qu’il se soit enrichi de façon relativement trouble, notamment grâce à des réseaux liés à la «famille» Eltsine, il a cherché ensuite à donner de lui l’image d’un «Monsieur Propre» et a rompu le contrat tacite passé lors de l’arrivée à la présidence de V. Poutine en 2000, selon lequel les pouvoirs politique et financier doivent être strictement séparés. Par ailleurs, la stratégie de M. Khodorkovski concernant le développement de sa firme, et plus généralement du secteur de l’énergie, était en contradiction avec les objectifs du Kremlin, compte tenu de l’ouverture que représente pour ce pays le projet des Etats-Unis de ne plus seulement s’approvisionner en énergie au Proche-Orient. Enfin, il défend un modèle de développement, essentiellement fondé sur l’exploitation de la rente pétrolière, et qui a montré ses limites, ce que les dirigeants russes ne peuvent ignorer. La mise à l’écart de cet oligarque signifie-t-elle une nouvelle orientation de la politique économique ? Une autre voie, conciliant nationalisme et libéralisme, pourrait consister dans la «renationalisation» de la rente procurée par les matières premières, pour être redistribuée au profit du plus grand nombre.