Les conséquences économiques de la paix de Keynes (1919) : Faut-il désacraliser l’idole ?

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Keynes est-il le chantre de la paix si unanimement loué pour la clairvoyance de son propos, la justesse de son analyse, l’impartialité de son jugement ? Keynes a-t-il vu juste avant tous les autres en faisant du Traité de Versailles le terreau du nazisme ? Nous portons sur le texte de Keynes un double regard critique : un regard actuel pour revenir sur le « jugement de l’histoire » et discuter de la clairvoyance de Keynes dans la première partie de notre article ; un regard alimenté par les réactions de l’époque, dans la seconde partie de l’article, où nous analysons la réception de l’ouvrage de Keynes à sa sortie en France. Cette seconde partie peut se comprendre comme une forme de « test de robustesse », dans le contexte de l’époque, de notre analyse critique du texte de Keynes de la première partie. En effet, nous revisitons la lecture canonique et angélique de l’œuvre et la confrontons, notamment, à une lecture tombée dans l’oubli, celle d’Etienne Mantoux, qui soulignait en 1946 les apories et dangers du texte de Keynes (1919). Keynes fait-il dans The Economic Consequences of Peace (ECP, 1919) une lecture prémonitoire du nazisme ou son texte a-t-il servi à l’Allemagne de prétexte pour ne pas payer le montant des réparations ? Keynes (1919) est-il le chantre du pacifisme ou l’inspirateur de l’ appeasement et du défaitisme qui facilita le réarmement de l’Allemagne nazie dans l’entre-deux-guerres ? Qu’est-ce qui fait la postérité d’une œuvre ? Telles sont les questions soulevées par notre article à la lecture d’ECP (1919). L’instrumentalisation d’un texte, la question du déni restent encore aujourd’hui des défis majeurs pour les chercheurs travaillant sur les legs de l’histoire.

Is Keynes the champion of peace so unanimously praised for the clarity of his vision, the accuracy of his analysis, the impartiality of his judgment? Was Keynes right before everyone else in making the Treaty of Versailles the breeding ground for Nazism? In the first part of the article, we look at Keynes’s text from a double critical perspective: a contemporary perspective, in order to revisit the “judgment of history” and to discuss Keynes’s clear-sightedness; and a perspective informed by the reactions of the time, in the second part of the article, where we analyze the reception of Keynes’s work when it was published in France. This second part can be understood as a form of “robustness check”, in the context of the time, of the criticisms addressed at Keynes’s work in the light of today’s perspective. Indeed, we revisit the canonical and angelic reading of the work and confront it, in particular, with a reading that has fallen into oblivion, that of Etienne Mantoux, who in 1946 underlined the aporias and dangers of Keynes’s text (1919). In ECP (1919), did Keynes make a premonitory reading of Nazism, or did the work serve as a pretext for Germany not to pay reparations? Was Keynes (1919) the champion of pacifism or the inspirer of the appeasement and defeatism that facilitated the rearmament of Nazi Germany between the two wars? What makes the posterity of a work? These are the questions raised by our article when reading ECP (1919). Making use of a text and the issue of denial remain two major challenges that researchers still confront today when working on the legacy of history.JEL codes: B10; H56; N43; N44.

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