2021
Cairn
Dominique Barjot, « Lafarge : de l’internationalisation à la firme mondiale, une résistible ascension ? (1947-2014) », Revue française d'histoire économique, ID : 10670/1.ckgvvc
Jusqu’à sa fusion en 2014, avec Holcim, son principal concurrent européen, Lafarge a offert un bon exemple d’entreprise française devenue mondiale. Numéro deux français des matériaux de construction derrière Saint-Gobain, Lafarge s’est imposée avec un succès comparable. Elle le doit à une internationalisation précoce. Fondée en 1833, la maison Lafarge est demeurée longtemps familiale, avant de se transformer, à partir de 1947, en firme managériale. Depuis cette date, deux périodes se sont succédées. De 1947 à 1992, l’entreprise s’est progressivement multinationalisée. Les années 1947 à 1973 ont été marquées par une croissance forte financée par autofinancement, élargissement limité de l’actionnariat et endettement à long et moyen terme. Trois facteurs ont alors cumulé leurs effets positifs : un management rationnel (passage au staff and line, en privilégiant une logique multidivisionnelle), une stratégie réussie de redéploiement international de l’Afrique francophone vers l’Amérique du Nord et un effort de recherche-développement très supérieur à celui de la concurrence. Ces choix ont permis, dans un environnement économique plus difficile, de consolider les positions internationales du groupe par la conquête du marché américain, où le groupe s’est imposé, de 1974 à 1992, comme le numéro 1, tout en se renforçant en Europe. Dans les années 1993 à 2007, le groupe Lafarge s’est imposé comme une firme de dimension mondiale en privilégiant le renforcement de ses positions nord-américaines et la conquête des pays émergents. Toutefois, pour financer une croissance rapide, tant organique qu’externe, il a fallu satisfaire un actionnariat de plus en plus éclaté et flottant. Ce n’est qu’à partir de 2008 que l’actionnariat s’est stabilisé, mais au prix d’une perte d’indépendance stratégique. Celle-ci a conduit à la fusion. Certes, elle a donné naissance à un leader mondial, mais au sein duquel la technostructure managériale a perdu le pouvoir au profit de la famille Schmidheiny et de ses alliés belges et égyptiens, d’où la nationalité suisse de l’actuel LafargeHolcim.