2015
Cairn
Katia Blairon, « La suppression d’un territoire : le département français et la province italienne en question », Civitas Europa, ID : 10670/1.cv9rmw
La mode est à la création de nouvelles structures territoriales plutôt qu’à leur suppression. La logique voudrait que ces deux phénomènes soient liés. Les législateurs italiens et français ont pourtant préféré augmenter le célèbre millefeuille territorial. Tel un château de cartes, cette pièce montée s’écroulerait-elle si le département et la province venaient à disparaître ? Le paradoxe tient à ce que la suppression de ces niveaux « intermédiaires » entre la commune et la région est sans cesse évoquée alors qu’ils ont en même temps renforcés tant du point de vue institutionnel que de leurs compétences. Des considérations économiques fondent principalement les propositions et les réformes successives. La disparition du département et de la province constituerait une économie en tant que telle. Inefficaces, archaïques et artificiels, ils sont alors concurrencés par d’autres collectivités ou leurs groupements les rendant de fait – presque – inutiles. Face à des régions grandissantes, des métropoles en devenir et au désengagement de l’Etat, le département et la province garderaient malgré tout un rôle fondamental, en matière sociale pour le premier, en tant que coordinateur pour la seconde. C’est le dilemme posé aux législateurs, qui ont choisi une méthode identique : les vider progressivement de leur substance. Ils rencontrent cependant des obstacles similaires, principalement d’ordre constitutionnel. La suppression pure et simple du département et de la province nécessiterait en effet de réviser la Constitution, dans la mesure où ces deux collectivités bénéficient d’une reconnaissance constitutionnelle. A cet obstacle constitutionnel vient s’ajouter un autre d’ordre politique, tenant à une politique législative aléatoire, pour ne pas dire chaotique. Pour ne pas franchir le Rubicon, l’argument constitutionnel est volontiers instrumentalisé dans le discours politique. Ce point marque cependant une différence entre le cas français et l’expérience italienne : si le département reste un horizon indépassable, un consensus politique se dessine en Italie autour de la disparition de la province, qui accompagne une série de réformes fondamentales dépassant la seule organisation territoriale.