2020
Cairn
Jean-Pierre Cléro, « Le jeu de l’interprétation et de la compréhension chez Freud et chez Lacan », Essaim, ID : 10670/1.cx3n58
Si l’on s’intéresse au couple des mots « comprendre » et « interpréter », on s’aperçoit que la compréhension est beaucoup moins problématisée par Freud que ne l’est l’interprétation, alors que Lacan rééquilibre le doublet en interrogeant la compréhension presque autant que l’interprétation. Sur la compréhension, il défend une thèse : l’analyste comprend toujours trop, puisque ce qu’il comprend est précisément ce que ne comprend pas l’analysant ; et ce qui est à comprendre est très exactement ce qui fait que ce dernier ne comprend pas. Sur l’interprétation, presque toujours comprise en rapport dialectique avec la compréhension, la thèse est moins forte, mais l’originalité est plus grande, puisqu’il fait un usage, inattendu et pour ainsi dire discret, de la théorie benthamienne des fictions que lui a indiquée son ami R. Jakobson. C’est donc à une logique des fictions qu’il soumet l’interprétation, avec le jeu qu’il emprunte à Bentham entre le réel, le symbolique et l’imaginaire ; et avec sa possibilité de renversement de réel en symbolique et de symbolique en réel, qui lui permet de poser ce qu’on appelle, en logique et en mathématique, les « problèmes inverses » et de les introduire en psychanalyse. Il ne s’agit évidemment pas de soutenir la thèse excessive que l’usage de la théorie des fictions dans son système RSI soit la seule dimension de l’interprétation.