L’histoire culturelle des circulations musicales au prisme des Sound Studies : réflexions théoriques et retours de terrain

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Par l’attention qu’ils portent aux modalités sociales, économiques, politiques et culturelles – et non seulement techniques – de production du son, les travaux regroupés depuis une quinzaine d’année sous la dénomination de Sound Studies interrogent la pratique historienne dans ses hypothèses et dans la circonscription de son territoire. Alors qu’une partie des chercheurs issus de ce champ entend affranchir le sonore du musical, ce texte propose d’inverser la perspective et de mesurer l’apport de ces réflexions pour l’enquête historienne consacrée aux sociabilités et aux circulations musicales. Musicologues entendant rompre avec une approche essentiellement internaliste de la partition musicale, historiens, acousticiens, ces chercheurs se sont attachés à des objets neufs et ont analysé les espaces sociaux à partir de problématiques renouvelées, impliquant une approche interdisciplinaire et une méthodologie croisant des expertises issues de champs variés. De l’historienne Emily Thompson, s’attachant à la construction scientifique des espaces sonores contemporains en lien avec l’architecture, au musicologue Jonathan Sterne, qui consacre une partie de ses travaux aux origine culturelles de la reproduction du son, toutes et tous considèrent que le sonore relève d’enjeux sociaux historicisés. Le concept même de « paysage sonore » mérite lui-aussi d’être questionné. S’attacher à une histoire du sonore conduit également à s’attacher à une histoire sociale de l’écoute que l’historien aura tout intérêt à croiser avec des approches d’acoustique musicale. Enfin, le champ des Sound Studies invite à une réflexion critique sur le processus de construction de l’archive sonore, en articulant l’apport des Sciences and Technology Studies consacrées à la (re)production du son à l’outillage propre à l’enquête historique à partir des témoignages sonores du passé, dans le sillage de la « phonographie documentaire ».

The academic field of sound studies centers around the socioeconomical, political and cultural dimensions of the production of sounds (and not only in its technical aspects) and it has challenged historical practices, hypotheses and territories for about 15 years. While some researchers from the field aim at freeing sound from music, this paper suggests changing this perspective so as to assess how useful these academic works have been for the historical inquiry into musical sociabilities and circulations. New objects and social spaces have been analysed through new critical approaches and with the use of interdisciplinary methodologies by historians, acousticians and musicologists who believed their field of expertise was not limited to music scores. From historian Emily Thompson, who studied the scientific conception of acoustic spaces in architectural innovation, to musicologist Jonathan Sterne, who has researched the cultural origins of sound reproduction, they all consider sound to be inseparable from its historicized social stakes. Even the very concept of “soundscape” has to be viewed through a critical lens because it is ideologically charged. Writing a history of sound raises questions about the social history of listening that should also be studied from the perspective of musical acoustics. Finally, the field of sound studies invites historians to rethink and appraise the process of creation of sound archives by combining the contributions of Science and Technology studies in regard to sound (re)production with the specific methods of the historical inquiry in order to analyse testimonies from the “audible past”.