2015
Cairn
Frédéric Tinguely, « Le navire immobile : mobilité d'un topos scientifique de Copernic à Casanova », Littératures classiques, ID : 10670/1.ebh896
Dans son De Revolutionibus orbium cœlestium, Copernic s’appuie sur un vers de Virgile pour comparer l’illusion cosmologique dont nous sommes quotidiennement victimes à celle d’un navigateur qui croirait le rivage en mouvement. Bien que l’analogie n’ait en aucune façon force de preuve, elle devient vite un lieu commun de la littérature copernicienne, que l’on retrouve chez Bruno, Képler ou Galilée, et même, selon un autre mode, dans l’autobiographie de Casanova. En examinant diverses manifestations de ce topos – dont l’origine remonte à la science grecque –, on s’aperçoit qu’il constitue un lieu privilégié de réélaboration stratégique, de reformulation créative en vertu d’une culture rhétorique commune à ce que nous appellerions aujourd’hui l’écriture scientifique et l’écriture littéraire. Mais l’analyse du topos révèle encore deux choses : d’abord, que l’hypallage présente dans le vers de Virgile livre en quelque sorte la structure rhétorique de l’intuition copernicienne ; ensuite, que son extrême plasticité, et donc la relativité de ses usages, prolonge à la perfection son contenu scientifique, qui se ramène à une leçon de relativité optique ou mécanique.