2019
Cairn
Élisabeth Schwartz, « Le statut des signes et la présupposition mutuelle de la nature et de l’art dans le système de Condillac », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.f8poq1
Condillac a tenu à souligner l’originalité radicale de la thèse défendue dans l’ Essai au sujet du statut des signes dans leur rapport originaire à la pensée. Il la maintiendra jusque dans l’ Art de penser inchangée malgré de profonds remaniements intervenus avec le Traité des sensations quant au contenu de cette interaction, que sa Grammaire et sa Logique lui semblent avoir pourtant « achevé de démontrer ». Ce statut des signes se trouve soumis à la critique dès les Lettres à Gabriel Cramer. Condillac y répond à une question concernant la prérogative des signes arbitraires sur les signes naturels par rapport à la maîtrise de nos opérations de pensée. Et il y voit une objection formelle au caractère « embrouillé » de cette origine, une difficulté de fond qu’il n’avait pas prévenue, et enfin « le point le plus délicat de mon système sur la nécessité absolue des signes ». On peut supposer 1) que cette difficulté est liée à, mais distincte de la question formelle, comme des difficultés de contenu qu’y voit alors Condillac travaillant à son Traité des sensations, 2) que ce « point le plus délicat » ne s’éclaire et ne se spécifie qu’au regard de l’arrière-plan leibnizo-wolffien commun à Condillac, Cramer et Mlle Ferrand, et 3) n’est surmonté que par l’évocation de quelques références absentes de l’ Essai, à la Grammaire de Du Marsais dans l’ Encyclopédie et à la méthode de l’Abbé de l’Épée, comme exemples de la méthode analytique mise au service d’une genèse naturelle des signes artificiels sur le modèle de l’art d’une Nature qui commence tout en nous à notre insu. Ainsi s’achève bien le système « démontré » d’une présupposition mutuelle de la Nature et de l’Art, dont le premier ouvrage avait offert l’essai inaugural.