2020
Cairn
Denia Chebli, « Cette paix qui divise : une analyse de la médiation au Mali par ses effets », Critique internationale, ID : 10670/1.fcl0zp
Pourquoi le processus de médiation au Mali s’est-il accompagné d’une fragmentation des mouvements armés, en principe engagés sur la voie de la réconciliation ? À rebours des théories économiques sur les guerres civiles, je propose de renverser la proposition centrale qui veut que la médiation soit instrumentalisée par les acteurs : ce ne sont pas les belligérants qui font échouer les négociations par leur rationalité égoïste, ce sont les dispositifs mis en place par la médiation qui, de façon endogène, créent les conditions de la perpétuation du conflit armé. La conviction des médiateurs selon laquelle les ressources économiques permettent de réussir la paix aboutit à la mise en place d’un dispositif qui instaure un système de récompenses pour ceux qui ont fait ou font encore usage de la violence. La médiation constitue alors un site de conversion du capital militaire en capital politique ou économique. Ces gratifications individuelles incitent les groupes armés à ne plus agir collectivement, et créent un système d’appel d’offres où la violence devient un moyen d’accéder à l’État et aux prébendes de l’international. En définitive, ces dispositifs renforcent, voire institutionnalisent les rapports de domination, contribuant ainsi à aggraver la crise à l’origine du conflit.