La Kabylie et les coutumes kabyles : Tome deuxième

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La réédition de l’ouvrage de Hanoteau et de Letourneux était attendue depuis longtemps tant par les amateurs éclairés, par les chercheurs que par les militants de la cause berbère. C’est dire qu’elle s’imposait à plusieurs titres : historiographique, scientifique et politique. Mieux qu’aucune autre, cette monographie de la Kabylie montre que même dans le cadre colonial, la volonté de savoir excède la volonté de pouvoir. Car si le projet même du livre est étroitement lié à la politique coloniale de la France, il renferme des connaissances irréductibles à toute visée politique. C’est réellement une encyclopédie de la Kabylie. Tout y est décrit minutieusement : de la flore et la faune aux règles coutumières en passant par des recettes culinaires et l’artisanat. Tout ce qui en Kabylie relève des règnes minéral, végétal, animal et humain est désigné en langue kabyle, souvent même avec des variantes dialectales. Depuis deux siècles les plus grands noms ont été associés à la genèse et à la postérité tant scientifique que politique de cette œuvre. Qu’on en juge : Ismaël Urbain est à l’origine du projet éditorial qui allait transformer des notes de terrain en trois gros octavo tandis que la première édition est immédiatement saluée par un très long compte rendu de Ernest Renan qui affirme que l’organisation politique kabyle représente l’idéal de la démocratie telle que l’on rêvé nos utopistes. Rappelons qu’on est alors au lendemain de la Commune de Paris et que ce jugement de Renan vise à dénigrer l'idée même de démocratie directe. C’est ensuite Durkheim qui s’empare de l’œuvre pour étayer sa théorie de la solidarité mécanique. À partir de là, la postérité scientifique de la Kabylie et les coutumes kabyles est assurée dans le cadre de l’école sociologique française qui va l’introduire dans la tradition anglo-américaine via Evans-Pritchard et Ernest Gellner. Au plan politique, la postérité de cette œuvre n’est pas moindre car s’est en se référant aux règles coutumières qui y sont colligées que les juges de paix français administrèrent la justice durant la période coloniale. C’est évidemment cet usage qui au moment des indépendances maghrébines disqualifia cette œuvre et la transforma en repoussoir pour discréditer l’ensemble de l’ethnologie de la période coloniale. Ce qui n’empêcha pas les militants Berbères des années 1980 de se réapproprier cette œuvre pour y chercher ce que la mémoire orale avait oublié, lui donnant un nouveau souffle et initiant ainsi un usage politique bien différent de celui qui avait inspiré ses auteurs. Reste enfin que d’un point de vue ethnographique cette œuvre incontournable qui figure dans toutes les bonnes bibliographies n’a pas encore été dépassée ni égalée.

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