2018
Cairn
Céline Husson-Rochcongar, « La démocratie, au cœur de l’identité européenne ? », Civitas Europa, ID : 10670/1.gg8h15
Qu’il s’agisse d’élections ou de protection des droits fondamentaux, mais aussi de réforme institutionnelle, de gestion budgétaire, de questions numériques ou environnementales, la démocratie est au cœur de l’Europe – ou, tout au moins, au cœur des discours sur l’Europe. Elle y occupe cependant une position ambiguë. Présente sous la plume des « Pères fondateurs », et figurant à ce titre dans les préambules des instruments conventionnels depuis la création de chacun des deux systèmes juridiques, elle se voit de plus en plus fréquemment réaffirmée comme essentielle au projet européen et la Cour européenne des droits de l’homme n’hésite pas à la présenter comme « unique modèle politique envisagé par la Convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle » ( Parti Communiste Unifié de Turquie, 1998). Pourtant, parallèlement, les reproches se multiplient à l’encontre d’institutions accusées de n’être pas elles-mêmes suffisamment démocratiques pour porter légitimement une telle ambition, voire pour empêcher le développement de mouvements jugés anti-démocratiques. Ce paradoxe n’est toutefois qu’apparent car l’identité européenne réside justement dans une volonté de faire rayonner une certaine conception de la démocratie. Ainsi, le décalage observé entre cet intérêt essentiel porté à la démocratie et un ensemble de problèmes fréquemment analysés comme autant d’éléments d’une « crise » de la démocratie européenne révèle surtout les difficultés contemporaines auxquelles se trouve confrontée une Europe qui se conçoit avant tout comme un modèle politique reposant sur le droit. En interrogeant à la fois l’existence d’une « identité européenne » et le rapport de cette identité à la démocratie, il faut alors distinguer le discours sur la démocratie de sa mise en œuvre concrète : la valorisation de la démocratie fournit à l’Europe un moyen d’affirmer son identité en cherchant à faire rayonner son modèle politique et, en retour, le respect des exigences démocratiques constitue la condition essentielle de préservation de cette identité.