2020
Cairn
Agnès Ricroch, « Les biotechnologies en Chine : investissement stratégique et massif dans l’édition du génome », Monde chinois, ID : 10670/1.haq3yz
La Chine investit stratégiquement et massivement de l’argent dans un nouveau domaine biotechnologique : l’édition (ou réécriture) du génome. L’édition du génome avec les « ciseaux moléculaires » impliquant un système CRISPR-cas1 permet depuis 2012 de modifier de façon précise l’ADN d’un organisme, animal, végétal ou microorganisme pour lui conférer des nouvelles propriétés. Ces organismes issus de l’édition du génome, dits organismes édités, ne sont pas classés comme des OGM dans la plupart des pays, l’Europe ne s’est pas encore prononcée pour leur classement en OGM ou pas2. En Chine, le 12e plan quinquennal de développement des industries émergentes stratégiques, publié par le Conseil des affaires d’État, en décembre 2012, fixe des objectifs quantifiables dans les domaines des biotechnologies médicale, agricole, et industrielle à échéance de 2015 et 2020. La Chine investit surtout dans l’agriculture et ses utilisations avec CRISPR-cas avec l’acquisition en 2017 de Syngenta, une des quatre plus grandes industries agro-chimiques. Pour fournir suffisamment de nourriture à sa population de 1,4 milliard de personnes avec des ressources naturelles limitées, la Chine pourrait un jour avoir besoin de plantes éditées. En 2013, le financement public chinois de la recherche agricole a approché 9 milliards d’euros. Les chercheurs chinois en 2014 sont pionniers dans la création avec CRISPR-cas de la première plante agricole, le blé rendu résistant à une maladie fongique, l’oïdium. Ils sont aussi pionniers pour la thérapie génique germinale sur des embryons humains non viables en 2015. Ils explorent la modification du génome humain en médecine avec beaucoup d’essais cliniques principalement pour étudier le cancer et créent dans ce but des singes édités comme modèles pour l’étude des maladies humaines. Des dérives éthiques de modification génétique par CRISPR-cas de la lignée germinale du génome humain de deux jumelles résistantes au SIDA par une équipe chinoise en 2018 ont soulevé une opposition dans la communauté internationale. Les chercheurs chinois appliquent également l’éditeur CRISPR-cas à grande échelle chez les animaux notamment pour humaniser des organes de porcs pour les xénogreffes (greffes chez l’homme) mais aussi pour la médecine vétérinaire. Un nouvel équilibre des forces géopolitiques est apparu dans l’édition du génome, la Chine est le pays qui dépose le plus grand nombre total de brevets par an et a pris l’avantage sur les États-Unis dès 2016. La Chine (surtout les laboratoires des académies des sciences) occupe la première place dans les secteurs industriel et agricole (végétal et animal) ; les laboratoires américains étant en tête en matière d’améliorations techniques et dans le domaine médical. La Chine et les Etats-Unis, qui ont déjà leur réglementation, investissent le plus dans ce récent domaine biotechnologique. Cependant, la réglementation en Chine des produits ou aliments édités issus de ces nouvelles biotechnologies génétiques utilisant l’ingénierie CRISPR-cas n’est pas encore connue.