2019
Cairn
Pascal Blanchard, « Stéréotypes et héritages coloniaux : enjeux historiques, muséographiques et politiques », Hermès, La Revue, ID : 10670/1.i2jx7c
Les stéréotypes sont toujours vivants. On n’a jamais vécu entouré d’autant de stéréotypes qu’aujourd’hui et on ne les a jamais autant identifiés, analysés et déconstruits dans le même temps. C’est un paradoxe, mais c’est celui de notre temps où ces enjeux sont désormais des questions politiques majeures. Les stéréotypes interrogent le vivre ensemble, les enjeux interculturels, la notion de « diversité » et nos sociétés métissées et mondialisées à l’heure de la montée des populismes et du rejet de l’immigration. C’est aussi pour cela, au moment où l’on revendique de « décoloniser les arts », de repenser nos musées et quoi faire des collections qui s’y trouvent et qui ont « été pillés au temps des conquêtes coloniales », où l’on questionne l’enseignement de l’histoire et la notion « d’être français », qu’il nous semble important de questionner le monde des musées et celui de l’histoire, en gros de repenser nos imaginaires.Plus qu’à reconnaître l’existence des discriminations raciales dans la société française et dans nos musées, le mouvement postcolonial initié il y a tout juste une vingtaine d’années en France a donc principalement mis en lumière la force d’occultation par les pouvoirs publics des processus de racialisation et le maintien d’une croyance en la réalisation effective de la norme de colorblindness. De ce point de vue, il a rendu criant le statut de « secret public » que revêt la question raciale dans le contexte républicain puisque, censé favoriser une reconnaissance publique du problème, il a plutôt contribué à l’enfouir.Si la réflexion du courant postcolonial permet « ensemble » de sortir de cette impasse « raciale », le courant décolonial est plus radical, est pense de son côté que les arts et les musées ne pourront être décolonisés de l’intérieur. C’est sans aucun doute l’un des enjeux de demain : décoloniser les musées, déconstruire les stéréotypes qui y dorment, et (un jour) ouvrir dans ce pays un musée d’histoire coloniale (paradoxe bien français que d’avoir « possédé » le second empire colonial au monde et de n’avoir aucun lieu de savoir.