3 décembre 2018
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Damien Bril, « Anne d’Autriche en ses images : légitimation du pouvoir féminin et culture visuelle de la majesté dans la France du XVIIe siècle », Theses.fr, ID : 10670/1.il04up
Anne d’Autriche occupe une place importante, longtemps négligée, dans le développement de l’iconographie royale en France au XVIIe siècle. Ecartée du pouvoir sous le règne de son mari Louis XIII, elle est pourtant le sujet de très nombreuses représentations. Sa présence dans le champ des images connaît un net développement lorsqu’elle accède aux responsabilités du gouvernement à la mort du roi, en 1643, en devenant régente au nom de son fils mineur, Louis XIV. Au-delà de sa majorité en 1651, elle conserve un rôle éminent, jusqu’à la mort de Mazarin en 1661. Ces deux décennies sont marquées par une profonde crise politique qui culmine dans l’épisode de la Fronde. Dans ce contexte, l’image d’Anne d’Autriche devient le support d’un discours sur l’autorité monarchique et sur la défense du pouvoir royal. A partir d’un corpus constitué des représentations de la régente, et en les croisant avec des sources textuelles, cette thèse analyse la construction visuelle de ce discours, et ses effets sur l’évolution de l’image de la royauté en France après le règne de Louis XIII. La « majesté », qui constitue dans le corpus des textes, juridiques, politiques et symboliques, la qualité essentielle du souverain et la marque de son identité, doit ainsi être traduite visuellement dans une incarnation féminine, dans un pays où les lois fondamentales, notamment la loi salique, écartent pourtant les femmes du pouvoir. La richesse du corpus rassemblé pour cette thèse, près de cinq cent images, offre une source essentielle pour comprendre de quelle manière la reine a su dépasser cette contrainte et contribuer, en renouvelant ses modèles, à la représentation de l’autorité monarchique. Cette étude permet ainsi de reconsidérer le rapport des femmes au pouvoir. Pour analyser ces différentes questions, la thèse s’organise en quatre parties. La première partie s’attache à comprendre l’image de la reine régnante, en analysant dans un premier chapitre la définition juridique de la reine, pour montrer de quelle manière l’ordre juridique détermine l’ordre symbolique. On peut ainsi expliquer en quoi le mariage de la reine en 1615 et son introduction à la cour constitue une « naissance iconographique ». Le second chapitre explore les différents aspects de ce portrait de la reine en montrant qu’il relève à la fois de caractères propres et de réactions à la situation – politique et civile – de la reine. La deuxième partie soulève la question des moyens mis en œuvre pour opérer la transformation de cette image, qui permet à la reine d’apparaître en régente du royaume. Le troisième chapitre analyse plus particulièrement les étapes chronologiques de cette transformation, tandis que le quatrième chapitre étudie, sur un plan pratique, la « fabrication » de cette image. La troisième partie envisage ensuite le contenu des images, en dressant une analyse en trois temps de son iconographie. Le cinquième chapitre aborde ainsi le corps de la reine comme support des dimensions morales de son portrait. Le sixième chapitre approfondit cette question dans la perspective religieuse, en étudiant de quelle manière la régente parvient à produire l’image d’une reine « très chrétienne ». Le septième chapitre conclut cette analyse iconographique sur la dimension politique de l’image d’Anne d’Autriche. La quatrième et dernière partie est enfin l’occasion d’analyser le « fonctionnement » de ces images. Le huitième chapitre montre combien la situation des représentations de la reine dans les décors est déterminante pour leur interprétation, en envisageant les cas des résidences royales puis des intérieurs privés. Enfin, le neuvième chapitre propose une étude de la performance des images, en étendant l’analyse aux usages publics des représentations de la reine, dans les monuments ou au cours des cérémonies.