2020
Cairn
Camille Popineau, « De rebelle à fonctionnaire : Capital social, mobilisations et reconversions post-conflit dans les régies financières de Côte d’Ivoire », Gouvernement et action publique, ID : 10670/1.iobx6a
Cet article analyse le profil et les trajectoires des acteurs intégrant les régies financières de Côte d’Ivoire à la suite des accords de paix mettant fin au conflit armé (2002-2011), en réinterrogeant le débat sur les continuités et les ruptures introduites par la guerre sur l’État. Je montre que les personnes qui intègrent l’État sont d’anciens syndicalistes étudiants ayant fait leurs armes à la fois dans les luttes estudiantines violentes des années 1990, puis dans la rébellion des Forces nouvelles. Si le capital social tiré de ces deux périodes leur ouvre les portes de l’État, la capacité à reconvertir ensuite ce capital en capital symbolique légitimant la mobilisation politique sur le plan local et national n’est pas également partagée. La reconversion est fonction d’un certain volume de capital social accumulé pendant la période de la rébellion, volume qui est lui-même fonction de l’appartenance à certaines générations d’étudiants avant le conflit. Le syndicalisme étudiant apparaît comme une nouvelle filière d’accès au champ politico-administratif ivoirien dans la période post-conflit, mais l’entrée en politique et l’ascension sociale qui en découle ne concernent qu’une partie d’entre eux, à savoir les plus dotés, reproduisant ainsi des hiérarchies sociales déjà en place au sein des syndicats étudiants puis de la rébellion. L’article met ainsi l’accent sur les trajectoires longues des acteurs pour comprendre finement dans quelle mesure les processus d’intégration des rebelles à l’État impactent ce dernier et le modifient, en termes de composition des agents étatiques, de profils des fonctionnaires et de hiérarchies sociales.