3 septembre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Lynn Sermin Meskill, « “A school of tongues in this belly of mine”: Gluttony and Envy in Ben Jonson's “To Penshurst” », Presses Sorbonne Nouvelle, ID : 10670/1.j0q97w
Sans doute à cause de la tradition poétique dans laquelle il s’inscrit, le poème de Ben Jonson “À Penshurst” est souvent considéré comme le panégyrique idéal d'un lieu idéal. Cependant, si l'on considère les affinités profondes que ce poème possède avec une pièce comme L’alchimiste, si l’on suit ses implications logiques et que l’on dépasse les frontières génériques qui séparent le “réel” de “l’idéal” selon Jonson, on s’aperçoit qu’il prend alors tout son sens. Ce que le poème décrit, c'est un sanctuaire poétique qui met à l’abri de la jalousie des autres. Qu il s agisse du personnage de Lovewit dans L’alchimiste ou de la figure historique de Sidney (qui meurt en 1586) dans “À Penshurst”, le scénario montre un poète qui s’installe au sein de la demeure laissée vacante par le père littéraire pour y régner en héritier et en maître. L’image du poète, du “je” dans “À Penshurst”, campe un personnage qui se goinfre à la table de Sidney et que l’on doit considérer comme l’incarnation du processus de la création littéraire chez Jonson : le poète mange la nourriture des autres pères littéraires et il atteint de la sorte un volume tout fait prodigieux. Le glouton offre l’image d’un poète à la fois repu et créateur qui, en profitant de sa bonne chère, s’est approprié la magie de son père littéraire, réussissant ainsi à se protéger de la jalousie des futurs critiques de son œuvre.