2015
Cairn
Stefano Manacorda, « Cesare Beccaria et la peine de la réclusion à perpétuité », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, ID : 10670/1.j2qmty
Cesare Beccaria - dont l'ouvrage le plus célèbre a été publié il y a 250 ans (1764) - est considéré de manière unanime comme l'un des pères fondateurs du droit pénal moderne. Une telle réputation est la conséquence, entre autres, de sa bataille contre la peine capitale et toute autre forme de traitement inhumain ou cruel. Cependant, Beccaria, dans son célèbre livret, déclare être en faveur de la peine de réclusion à perpétuité, qu'il considère comme étant particulièrement efficace en raison de ses effets d'intimidation. La plupart des auteurs qui se sont penchés sur ce point ont considéré, soit qu'une telle position était peu significative au sein de la pensée de Beccaria, s'agissant simplement de la recherche d'un substitut à la peine capitale dont il demandait à juste titre l'abolition, soit qu'elle était critiquable en ce qu'elle entrait en contradiction avec le concept d'humanité que Beccaria lui-même déclarait vouloir défendre. Cet article, en s'appuyant sur l'analyse de Michel Foucault, suggère une interprétation différente : la perpétuité n'est ni insignifiante ni contradictoire dans la pensée de Beccaria ; elle est en revanche la conséquence de la théorie de la peine qui s'affirme au XVIIIe siècle, lorsque l'utilitarisme prend une place dominante. À cette époque-là, le concept d'humanité était indépendant de l'individu envisagé singulièrement et était conçu seulement en tant que limite à l'exercice du pouvoir.