10 février 2023
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Noëmie Vermoesen, « La techno prise au mot : écritures critiques des musiques électroniques dansantes en Allemagne, en France et au Royaume-Uni de 1986 à 1999 », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.j6vso9
Dans Energy Flash, le critique musical Simon Reynolds déclare que contrairement au rock, les musiques électroniques dansantes ne relateraient pas une expérience, mais la construiraient. L’ouvrage séminal de 1998 assure que cette expérience « ne pourrait être documentée » et qu’elle engendrerait une culture « amnésique » et « non-verbale », renforçant ainsi le lieu commun selon lequel la techno serait indicible. Or est-il vrai que ces musiques auraient suscité un moindre effort critique ? Peut-on véritablement penser qu’elles seraient encore plus difficiles à écrire, décrire et critiquer que d’autres genres musicaux ? En rassemblant les affirmations d’un défi sans précédent, telles qu’elles adviennent dans les textes au sujet des musiques électroniques, quatre axes surgissent autour desquels se cristalliseraient des difficultés esthétiques spécifiques: ces musiques sont (1) électroniques, (2) dansantes, (3) destinées à être mixées et (4) évasives. Un parcours de cette littérature révèle pourtant que la techno aurait entretenu un rapport foisonnant au mot. En observant la presse parue en Allemagne, en France et au Royaume-Uni entre 1986 et 1999, se dessine également un vaste panorama de publications. La quantité de textes répertoriés ne garantit toutefois pas l’absence de difficulté et l’abondance des tentatives renvoie la problématique du côté de l’ineffable. Au-delà d’une cartographie de textes pléthoriques, cette thèse analyse et compare plusieurs articles et chroniques au sujet des musiques électroniques dansantes, ainsi que des entretiens avec leurs auteurs. Le mythe de l’impossibilité ne reposerait pas seulement sur des caractéristiques esthétiques mais soulèverait aussi des enjeux éthiques. En effet, il n’est pas anodin qu’un discours critique hérité d’une tradition rock – essentiellement blanche et hétéronormée – ait été désemparé face à une musique issue de communautés marginalisées. Enfin, tout en éclairant les enjeux de représentation et de responsabilité, cette recherche ne rejette pas entièrement la possibilité d’une expérience esthétique singulière, ravissante et au bord des mots.