2015
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Bianca Concolino Abram, « L’Âne de Machiavel : métamorphose politique d’une tradition littéraire », MOM Éditions, ID : 10670/1.kij0sa
L’âne, en tant que personnage symbolique, connaît à la Renaissance italienne un véritable engouement. Nombreux sont les auteurs qui, tout au long du XVIe siècle, s’en sont inspirés et ont rencontré un réel intérêt de la part du public. L’âne, ou plus exactement le couple âne/homme, attire et fascine les auteurs de la Renaissance et chacun d’eux, quoique conscient de la difficulté de se confronter à une thématique si souvent abordée, pense néanmoins pouvoir apporter quelque chose de nouveau. Dans L’Âne, petit poème inachevé en tercets, Machiavel raconte sa propre métamorphose en âne. La connotation négative attribuée par la tradition humaniste à la figure de la bête, qui remonte à Homère, avec le mythe de Circé et de la métamorphose de l’homme en animal, est ici complètement renversée. Pour Machiavel, le véritable âne est celui qui reste figé dans sa propre position inexorablement unidimensionnelle et humaine. Au contraire, celui qui accepte de descendre dans l’animalité et qui, comme l’auteur, accepte de devenir âne, quand cela est nécessaire, parvient à créer un rapport actif avec la nature. L’œuvre est écrite à un moment particulièrement difficile de la vie de l’auteur, où, après la chute de la république, alors qu’il a été banni de Florence et exclu de la vie politique, il ressent tout le poids de son isolement. Le petit poème traduit cet état d’âme et donne forme à un projet littéraire. La métamorphose en âne offre alors à l’auteur un « habit » idéal, dans ces temps si « méchants et funestes », pour dire la vérité sans crainte, ni ménagement.