2008
Cairn
Lionel Charles et al., « Pensée, sensibilité et action dans la société française autour de la question de la nature », Annales de géographie, ID : 10670/1.kslqea
L’observation sociologique révèle qu’en France la nature, telle qu’elle apparaît à travers les cadres qui en organisent la protection, loin d’être un objet d’accord entre les individus ou les groupes sociaux, est au contraire l’objet de tensions, de rivalités, d’antagonismes très forts susceptibles de déboucher sur la violence. Ceux-ci apparaissent liés à des mécanismes d’appropriation difficiles à objectiver dans la mesure où ils sont généralement interprétés dans des logiques même d’opposition ou de tension. En ce sens, la question de la nature apparaît fondamentalement de nature politique. L’article s’efforce d’analyser les arrière-plans susceptibles d’éclairer cette spécificité en particulier à la lumière d’autres traditions culturelles, anglo-saxonne ou japonaise. Il fait ressortir la façon dont plus que d’autres cultures, la culture française s’est construite dans une récusation de la sensibilité, de l’émotion, de la subjectivité comme réalité partagée source de valeurs et moteur d’action au profit d’une rationalité supposée organiser la vie collective — et la connaissance que l’on en a à travers les sciences sociales —, qui trouve son expression dans des montages à la fois discursifs et institutionnels qui ont pour fonction de mettre l’individu entre parenthèse au profit du collectif, ces cadres discursifs étant supposés en assurer la maîtrise. La nature apparaît comme un révélateur particulièrement pertinent de ce montage culturel et des difficultés qui y sont associées, en particulier de la façon dont il fait obstacle à d’autres approches fondées sur d’autres registres comme l’initiative et l’innovation personnelle et collective, la participation sociale, la responsabilité individuelle ou plus généralement, l’éthique.