2020
Cairn
Lys Alcayna-Stevens, « Chimpanzés, jaguars et ventriloquisme ethnographique », Cahiers d'anthropologie sociale, ID : 10670/1.m6edat
Fondé sur des recherches ethnographiques dans l’un des rares sanctuaires pour primates installé en Europe, cet article aborde la question des « perspectives animales » sous l’angle du tournant « ontologique » en anthropologie pour interroger les limites des approches actuelles de l’anthropologie « au-delà de l’humain ». L’article commence par une exploration de la façon dont les gardiens du sanctuaire conceptualisent les « points de vue » des chimpanzés dont ils s’occupent. L’heuristique de la « double pensée » me permet d’affirmer que les gardiens opèrent dans des contextes différents : quand ils s’occupent du bien-être des chimpanzés, ils sont attentifs à leurs humeurs et leurs besoins, tandis que lorsqu’ils effectuent des visites guidées, ils maintiennent que les humains ne peuvent pas élever les primates, car ils ne peuvent pas savoir ce que cela signifie d’être chimpanzé. L’article soutient que lorsque les ethnographes parlent des acteurs sociaux non-humains, le principal écueil qui les guette n’est pas l’anthropomorphisme mais un genre de « ventriloquisme anthropologique » : ils finissent presque toujours par décrire leurs sujets par le biais de la voix et des concepts des humains auxquels ces acteurs non-humains sont reliés. L’article conclut en soutenant que les pistes les plus prometteuses de l’anthropologie des animaux seront celles qui prendront en compte un aspect de la condition humaine parfois oublié par les anthropologues : l’ambiguïté.