2007
Cairn
Caroline Jeanne et al., « L'histoire médiévale à l'aune du genre : les débuts d'une enquête », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.myyd2e
L’utilisation du genre comme outil en histoire médiévale byzantine et occidentale en est à ses balbutiements dans l’historiographie française. La démarche, envisagée comme étude historique des rapports entre les sexes, est ici appliquée conjointement à l’étude des veuves parisiennes de la fin du Moyen Âge (XIVe – XVe siècles) et des moniales byzantines à l’époque Paléologue (1261-1453).L’examen de la désignation et de la réputation des veuves et des moniales montre que les exigences envers ces femmes sont lourdes. Ce sont ainsi les fondatrices des monastères féminins qui, davantage que leurs homologues masculins, insistent dans les règlements monastiques sur la faiblesse de la nature féminine. De la même façon, le veuvage féminin est fortement stigmatisé. Plus visibles dans les documents judiciaires, fiscaux ou notariés parisiens que les femmes mariées ou les veufs, les veuves sont parallèlement astreintes à une obligation de bonne renommée fermement précisée dans la littérature didactique du temps.L’approche relationnelle et comparatiste entre moniales et moines byzantins d’une part, veuves et veufs parisiens d’autre part, illustre la complexité des rapports de genre. L’inégalité devant la clôture apparaît nettement dans les règlements monastiques : c’est aux moniales qu’est imposée la claustration la plus rigoureuse. Au sein des métiers parisiens, le curseur du genre est variable. Lors de leur veuvage, les femmes acquièrent un nouveau statut, qui les place sur un pied d’égalité avec les maîtres des métiers. Cependant au sein des métiers largement féminisés, la maîtrise des femmes s’obtient sans la condition du veuvage, et des dispositions particulières sont prises pour les veufs. Le rapport au masculin fluctue selon les métiers.L’idéal de femmes viriles, moniales ou veuves, se retrouve dans les typika monastiques et dans les écrits de Christine de Pizan. Il correspond dans le premier cas à un idéal de sainteté nécessairement masculin, et dans le second à une conception du veuvage comme outil pour investir les domaines traditionnellement réservés aux hommes. Cependant, ce processus de masculinisation auquel sont conviées ces femmes doit être nuancé dès lors que l’on prend en compte le critère de l’âge : les moniales et veuves âgées, et ménopausées, échappent à la nécessité de « se faire homme ».