2011
Cairn
Bruno Bossis, « Une Saison en enfer de Gilbert Amy : une lecture musicale d'Arthur Rimbaud », Musurgia, ID : 10670/1.mz8c3b
Au sein des musiques électro-acoustiques, l’interprétation n’a pas tout à fait le même sens que dans d’autres musiques. En effet, l’adjonction de caractéristiques inédites aux instruments déjà existants ou à la voix n’est pas sans conséquences pour le compositeur, l’auditeur et l’interprète. Issue directement du corps du chanteur, intimement liée à sa personnalité, la voix constitue un cas particulièrement intéressant, surtout dans certaines configurations, comme l’expression vocale dans le cadre de la musique mixte. Dans l’œuvre de Gilbert Amy, Une Saison en enfer (1979-1980, pour deux voix, deux instrumentistes et bande avec voix), l’accent est d’abord mis sur la musicalisation très particulière de la parole. Celle-ci n’est plus seulement le produit du corps de l’interprète ; elle est mémorisée, transformée, déformée, méconnaissable parfois. La notion d’interprétation s’élargit donc et les possibilités expressives de la voix en sont considérablement augmentées. De plus, la voix ainsi manipulée s’insère dans un réseau complexe de relations. L’interprétation est en effet à double détente. Une première étape, entièrement sous le contrôle du compositeur, consiste à concevoir la bande avec certains interprètes. La seconde étape, le concert, confronte ensuite cette interprétation-composition initiale avec l’émotion propre au temps du spectacle, d’autres interprètes s’adressant directement au public. Enfin, la mise en valeur musicale du sens du texte acquiert une dimension remarquable grâce à la richesse de ce dispositif. Les différentes voix, sur bande et sur scène, expriment l’imaginaire complexe contenu dans le poème autobiographique. A l’image de la personnalité de Rimbaud vue par le compositeur, l’interprétation de la voix du poète est triple, entre nostalgie de la pureté enfantine, désespoir de l’homme et féminité poétique.