Les « traits autistiques » ne sont pas autistiques

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2021

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Laurent Mottron, « Les « traits autistiques » ne sont pas autistiques », Enfance, ID : 10670/1.n0ie9o


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L’étude longitudinale des fratries d’un enfant autiste informe sur les précurseurs de l’installation d’un tableau autistique, ses facteurs de prédisposition, et sur des séquences sémiologiques développementales essentielles pour la construction de modèles mécanistiques de l’autisme. Son interprétation repose sur notre capacité de distinguer les traits associés à la prédisposition génétique pour l’autisme, retrouvée chez les apparentés, de l’autisme lui-même. La distinction entre risque et condition reste en effet informative, même en présence d’un arrière-plan génétique identique. Nous assistons pourtant à la multiplication incontrôlée de la recherche de « traits autistiques » dans la population générale et dans l’ensemble des conditions neuro-développementales ou psychiatriques. Ces études de traits se font à partir d’échelles « continuistes », l’ Autism Quotient et la Social Responsiveness Scale. Les données que ces échelles produisent tendent à abolir la distinction entre risque et condition, et à questionner l’ensemble des aspects distinguant l’autisme des autres conditions et de la population générale. Nous avons montré et proposé que : a) la taille d’effet de la différence entre autistes et population contrôle diminue avec la date de publication, jusqu’à laisser prévoir qu’on sera incapable de détecter une différence entre autiste et non autiste d’ici quelques années (Rødgaard et al., 2019) ; b) l’hétérogénéité actuellement admise du phénotype autistique est artéfactuelle. Elle combine une « bonne » hétérogénéité, inhérente à la condition autistique, et une « mauvaise » hétérogénéité, résultant des critères et instruments utilisés (Mottron & Bzdok, 2020) ; c) un retour à des cohortes de recherche d’individus prototypiques représente une solution à l’actuelle stagnation de la recherche en autisme et a l’impossibilité de trouver des sous-groupes consistants dans le spectre autistique (Mottron, 2021a & b).Pris ensemble, ces faits et propositions théoriques conduisent à mettre en question la continuité étiologique, sémiologique et instrumentale entre trait autistique et autisme. Celle-ci est exprimée par l’aphorisme de J. Constantino et al. (2011), « les traits autistiques sont distribués continûment dans la population générale » qui domine actuellement le champ de la recherche en autisme. Cette continuité entre l’autisme et ce qu’il n’est pas ne peut être considérée comme une propriété de la condition étudiée : elle est créée par les mesures qui la rapportent. Elle résulte trivialement du choix de mesures dimensionnelles excessivement générales pour caractériser l’autisme, et de l’utilisation de score-somme obtenus à ces mesures. La notion de « traits autistiques » évacue prématurément la reconnaissance d’un phénotype au profit de sa définition. Pourtant, nous sommes à un moment de l’avancement des connaissances sur l’autisme où nous sommes pourtant encore strictement dépendants de la reconnaissance de l’autisme pour l’étudier. Nous proposons donc d’inverser ce mouvement en recentrant la recherche en autisme sur des individus prototypiques, tout en découplant service et diagnostic.

Longitudinal studies of siblings “at risk” of an autistic child provide information on the phenotypic precursors of an autistic presentation, its predisposing familial factors, and their developmental sequences. Their interpretation is based on our ability to clinically distinguish traits associated with the genetic predisposition for autism, found in relatives, from autism itself. Despite this distinction, we are witnessing the proliferation of research for “autistic traits” in the general population and in a variety of neurodevelopmental and psychiatric conditions. These trait studies are done using “continuity” scales, the Autism Quotient and the Social Responsiveness Scale. These scales conceptually merge risk, autistic condition, and non-autistic neurodevelopmental conditions. We have shown that a) the effect size of the difference between autism and the control population decreases with the publication date (Rødgaard et al., 2019); b) the heterogeneity of the autistic phenotype combines a “good” heterogeneity, inherent in the autistic condition, and a “bad” heterogeneity, resulting from the criteria and instrument used (Mottron & Bzdok, 2020); c) a return to the prototype in research cohorts is among the most rationale remedy to the current stagnation of autism research (Mottron, 2021). These results and methodological considerations question the etiological, phenotypic and instrumental continuity between autistic trait and autism. This continuity is expressed by the aphorism of J. Constantino et al. (2011), that “autistic traits are continuously distributed in the general population”. We propose that considering “autistic traits” as “autistic” results trivially from the choice of excessively general dimensional measures to characterize autism. This conceptual assimilation makes use of an abstract definition in place of the recognition of a prototypical phenotype. Yet we are still strictly dependent on the recognition of autism to study it. We therefore propose to reverse this movement by refocusing autism research on smaller and more homogeneous cohorts of prototypical individuals, while decoupling service and diagnosis.

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