2003
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Alexandra Roux, « Schelling et l'État: quel «ciel sur la terre»? », Revue Philosophique de Louvain, ID : 10.2143/RPL.101.3.752
Ce qu'on a pris l'habitude de nommer philosophie politique brillerait par son absence dans la pensée de Schelling. Or c'est là un grief qui s'appuie sur un diagnostic pour le moins contestable, que le présent article se propose de mettre à l'épreuve des textes. L'A. part d'un passage des Leçons de Stuttgart, d'où elle rayonnera dans toute l'œuvre de Schelling; voici, en effet, ce qu'on y lit en substance: que la véritable politéia n'existe comme telle «qu'au ciel». N'est-ce pas faire un sort philosophiquement grandiose à la chose politique? Grandiose, mais en même temps tragique. Car si, dans toute son œuvre, Schelling consacre relativement peu de pages au problème politique, c'est parce qu'à ses yeux la chose politique souffre de limites intrinsèques que l'on ne saurait réduire et qu'il faut au contraire expliquer par autre chose qu'elle-même. À cet égard, l'indulgence du système dit de l'identité fait figure d'exception; car depuis les débuts, le philosophe Schelling prend tellement au sérieux la chose politique qu'il montre en elle un fait prisonnier de ses propres limites — ce que l'A. retracera de la manière suivante: (1) l'État n'est jamais que l'expression invariable d'une chute qui le devance, l'explique et le dépasse; (2) sa dure nécessité est non moins nécessaire que la Loi qui, en elle, triomphe séparément de Dieu par la faute de l'homme; (3) si l'on peut concevoir «un ciel sur la terre», jamais l'État comme tel ne peut avoir la prétention de le réaliser.