2021
Anne-Cécile Guilbard, « L'entretien imaginaire avec le curateur: quand le regardeur découvre Werner Kühler », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.o79meu
Du point de vue de l’esthétique, dans la réception de l’exposition d’images fixes, on s’attache à la question du regardeur et de son rapport singulier aux œuvres. Le statut particulier de l’image fixe (ni son ni mouvement) tient en effet à la délégation de la responsabilité de sa durée dans l’expérience choisie par le seul regardeur, qui peut aller du bref coup d’œil à l’observation prolongée. Des philosophes et des écrivains ont décrit ce que le regardeur fait quand il s’attarde devant un tableau ou une photo : son activité relève de la construction d’une fiction personnelle, plus ou moins élaborée, mais qui tend toujours à s’affranchir des discours culturels portés sur les œuvres. Cette émancipation du regardeur est ainsi le propre de l’image fixe. La curation, qui a précisément pour fonction de porter un discours culturel sur les œuvres, peut parfois offrir au regardeur l’invitation – paradoxale – à tenir à distance le discours proposé. On examine ainsi le cas remarquable de curation présenté par l’historien de la photographie Clément Chéroux pour sa rétrospective Walker Evans (Paris, Centre Georges Pompidou, 2017), dans la mesure où il y construit également une fiction subjective, entre approche théorique et personnage, qu’il nomme Werner Külher.