21 décembre 2005
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Anne Mottet, « Transformations des systèmes d'élevage depuis 1950 et conséquences pour la dynamique des paysages dans les Pyrénées: Contribution à l’étude du phénomène d’abandon de terres agricoles en montagne à partir de l’exemple de quatre communes des Hautes-Pyrénées », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.q25eii
Pour la recherche, aujourd’hui, comprendre et caractériser les relations entre le fonctionnement des systèmes agraires et des paysages est devenu une problématique incontournable en raison de l’état de certaines ressources naturelles mais également du fait de la place grandissante de la multifonctionnalité de l’agriculture dans les préoccupations sociétales et politiques. La mise en place de cadres théoriques permettant l’approche de ces relations est reconnue comme nécessaire par de nombreuses disciplines. Cette thèse a pour ambition de contribuer au courant de recherche qui s’attache à mieux comprendre les relations entre les transformations des activités agricoles et les transformations des paysages. Nos travaux portent sur une zone de montagne, sur les versants des Pyrénées Bigourdanes, où l’exode vers les plaines, l’évolution de la technologie agricole et les transformations de l’élevage se traduisent par le boisement spontané des versants et la fermeture du paysage. Une mosaïque de prairies et de terrains boisés s’est mise en place au cours du siècle dernier, les prés de fauche et les pacages alternant avec de petits bois et des parcelles abandonnées isolées apparaissant au milieu des quartiers de fauche. L’hypothèse de base de ce travail de thèse est que les activités d’élevage en montagne peuvent être vues comme les pilotes des processus du boisement spontané des paysages: les changements des pratiques d’utilisation des terres (abandon mais aussi extensification) conditionnent la colonisation des prairies par des espèces ligneuses et le développement des accrus forestiers. Afin de comprendre les stratégies de gestion de l’espace des éleveurs, et la place de l’abandon de parcelles dans leur évolution, un cadre d’approche intégrée a été mis au point. Il repose sur (i) l’analyse systémique de l’exploitation agricole, qui permet de tenir compte du rôle de la famille et de ses décisions dans le fonctionnement technique de l’exploitation, et (ii) l’étude de l’organisation spatiale du territoire de l’exploitation et des pratiques d’utilisation du sol en référence à ses contraintes et atouts. Cette approche a été appliquée à l’étude des transformations des exploitations sur le temps long afin d’apporter des éléments de compréhension de l’abandon survenu depuis les années 1950. Nous nous basons sur l’étude de l’ensemble des exploitations du territoire de quatre communes dans les Hautes-Pyrénées, soit 40 exploitations enquêtées au printemps 2003, pour un total d’environ 1700 parcelles et 750 ha de terres agricoles. Les résultats montrent que, dans la zone d’étude, le phénomène d’abandon découle de la disparition d’un grand nombre d’exploitations sur la période considérée mais aussi de modifications des stratégies de gestion de l’espace dans les exploitations qui se sont maintenues. L’abandon survient surtout à des périodes de changements de logique dans la trajectoire de l’exploitation, périodes qui coïncident souvent avec une succession. Les principaux facteurs d’abandon identifiés au niveau de l’exploitation sont la taille de la parcelle et ses difficultés d’accès. L’éloignement de la parcelle joue sur l’extensification de l’usage des prairies, les plus proches du siège de l’exploitation étant généralement fauchées et les plus éloignées seulement pacagées. Mais la persistance de l’organisation traditionnelle du paysage villageois en terroirs agricoles d’usage homogène influence encore fortement l’utilisation des terres. Enfin, nos travaux montrent que l’abandon n’est pas forcément irréversible. Une partie importante du territoire étudié a fait l’objet d’une ré-utilisation après plusieurs années d’abandon. Dans la dernière partie de ce mémoire, nous discutons ces résultats en référence à la durabilité des activités d’élevage et des paysages et proposons une réflexion sur les développements qui peuvent être apportés à la méthode utilisée.