Facteurs de protection et facteurs de risque facilitant le désengagement de l’extrémiste violent djihadiste : études sur les variables de devenir de 450 djihadistes

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2019

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Dounia Bouzar et al., « Facteurs de protection et facteurs de risque facilitant le désengagement de l’extrémiste violent djihadiste : études sur les variables de devenir de 450 djihadistes », Criminalistique, ID : 10670/1.qaycf6


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Cet article présente le premier grand échantillon prospectif de 450 jeunes individus français qui ont essayé de rejoindre Daesh entre 2014 et 2016, suivis sur une période de deux ans par une équipe pluri-disciplinaire dans le cadre d’une mission ministérielle. Par le biais qualitatif et quantitatif, nous avons exploré leurs caractéristiques micro et macro, et dégagé les facteurs de risque et de protection qui ont pu faciliter leur désengagement de l’extrémisme violent.Dans la première partie, l’échantillon est présenté à partir de variables socio-psychologiques : caractéristiques sociodémographiques, individuelles et familiales, histoire personnelle avant la radicalisation, histoire familiale, etc. Les résultats prouvent que le discours « djihadiste » contemporain a touché des individus très différents au niveau social et culturel. En revanche, des similitudes se recoupent sur plusieurs variables : le jeune âge ; une histoire migratoire ayant entraîné non pas forcément de changement culturel mais un stigma social ; l’existence de vulnérabilités psychologiques et notamment d’un événement traumatique antérieur fréquemment non traité, ayant entraîné un niveau abaissé de signification de la vie.Les résultats de comparaison entre le groupe des « déradicalisés » (57% qui ont fait le deuil de l’utopie de la loi divine pour gérer une société), des « désengagés » (24% qui ont rompu avec leur groupe et ont renoncé à l’utilisation de la violence), et de ceux qui sont toujours radicalisés (20%), montrent que les échecs concernent notamment tous les jeunes qui ont été au contact des leaders et qui ont été entraînés sur zone de combat (7,5%).Concernant la majorité de notre échantillon qui a été arrêté avant le départ pour la zone irako-syrienne, les facteurs de risque sont principalement des variables de proximité : connaître un proche radicalisé, être marié à un radicalisé, avoir embrigadé quelqu’un avec un contact physique (et non par internet), connaître un proche qui a vécu une expérience d’incarcération. Le dernier facteur de risque concerne le motif d’engagement : les individus qui recherchaient la toute-puissance ont été plus difficiles à prendre en charge.Les facteurs de protection apparaissent quant à eux comme des variables liées à la résilience.Nous faisons l’hypothèse que notre équipe psycho-éducative a plus facilement comblé et réparé les vulnérabilités psychologiques des radicalisés manipulées par les recruteurs (plutôt que les vulnérabilités sociales dont la compensation demande du long terme).Ainsi, le groupe de « nos réussites » présente les caractéristiques suivantes :avoir perdu brutalement un des deux parents,avoir été suivi pour dépression avant la radicalisation,avoir été suivi par un psychologue avant la radicalisation,avoir bénéficié d’une mesure psycho-éducative dès la détection de la radicalisation,avoir été détecté tôt (notamment les mineurs et les individus de sexe féminin).Une variable apparaît à la fois comme facteur de risque et comme facteur de protection : « être issu de famille arabo-musulmane » apparaît comme une variable de devenir positive pour se désengager de la violence (désengagement) mais comme une variable de devenir négative pour faire le deuil de l’utopie d’un monde régénéré avec la loi divine (déradicalisation).Enfin, nous pensons que les 24% de désengagés, bien que comptabilisés par les autorités comme une « réussite » dans la mesure où ils ont renoncé à la violence et à leur groupe, ne sont qu’une réussite relative, car ils pourraient rejoindre un autre groupe qui aurait le même objectif (instituer un « vrai pays musulman ») et qui prétendrait ne pas appliquer de violence.Nous sommes conscients de la limite de cette étude, qui présente un biais puisque l’échantillon est composé de familles qui avaient assez de confiance envers l’Etat pour signaler leur proche aux autorités de police par le Numéro Vert.Il y a notamment une surreprésentation des classes moyennes et d’individus radicalisés de sexe féminin. Mais nous pensons que les résultats peuvent néanmoins aider à orienter les politiques de prévention et de sortie de radicalisation.

Protection factors and risk factors for disengaging from jihadist violent extremism: studies on the variables “of becoming” of 450 jihadistsThis article presents the first prospective sample of 450 French youngsters who tried to join ISIS between 2014 and 2016. They were followed during two years by a multi-disciplinary team, in the scope of a ministerial mission. Through a qualitative and quantitative way, we explored their micro and macro characteristics. We also cleared risk and protection factors that could facilitate their disengagement from violent extremism.In the first part, the tool is presented as using socio-psychological variables: sociodemographic, individual and family characteristics, personal history before radicalization, family history, etc.The results display that the contemporary “jihadist” speech reached many different individuals on cultural and social levels. On the other hand, similarities intersect on several variables: young age; migratory history leading to, not necessarily a cultural change but a social stigma; the existence of psychological vulnerabilities and notably an anterior traumatic event frequently not treated which led to a lowered level of life signification.The results of the comparison between the “deradicalized” group (57% who grieved the utopia of the Divine law to handle a society), the “disengaged” (24% who broke up with their group and gave up the use of violence), and those who are still radicalized (20%), show that the failure concern youngsters who were in touch with leaders and who were trained to combat zones (7.5%).About the majority of our sample who were arrested before their depart for the Iraqi-Syrian zone, the risks factors are mainly proximity variables: knowing a radicalized relative; being married to a radicalized; having indoctrinated someone through physical contact (and not by internet); knowing a relative who was incarcerated. The last risk factor relates to the engagement motive: individuals who were seeking for almightiness were harder to treat.Protection factors appear as variables related to resiliency. We formulate the hypothesis that our psycho-educative team has easily filled and repaired the radicalized’ psychological vulnerabilities manipulated by the recruiters (rather than the social vulnerabilities whose compensation requires more time). Thus, the “our successes” group show the following characteristics: having brutally lost one parent, having been followed for depression before radicalization, having been followed by a psychologist prior to radicalization, beneficiated a psycho-educative measure since the detection of radicalization; having been detected early (for minors and females).A variable appears as a risk factor and a protection factor: “being issued from an Arab Muslim family” appears as a positive variable of becoming to disengage from violence (disengagement). But it appears as a negative variable of becoming to grieve the utopia of a regenerated world with Divine law (deradicalization).Then, we postulate that the 24% of disengaged, even though they are counted by authorities as “successes” in so far as they gave up violence and their group, are only a relative success. Indeed, they could join another group that would have the same goal (to institute a “real Muslim country) and that could pretend they do not apply violence.We are aware of the limit of this study, which shows a bias since the sample is composed by families who had enough trust in the State to notify their relative to the police authorities through the Green line. There is also an over-representation of middle classes and of female radicalized individuals. But we believe that these results can help guiding prevention and exit of radicalization policies.

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