2021
Cairn
Hilal Kazan, « Le livre des sultans : le périple d’un livre dans le Palais Ottoman », Études Balkaniques-Cahiers Pierre Belon, ID : 10670/1.qdfokx
Nous savons que la personnalité des souverains joue un rôle important dans les activités culturelles et artistiques. Cependant, à cette époque, l’expansion des beylicats ne faisaient que commencer et les beys passant le plus clair de leur temps dans les expéditions, il a donc fallu attendre le début du xve siècle pour voir l’émergence de ce genre d’activité. La commande spéciale de livres par le sultan débuta avec Murad II, se développa avec Mehmed II, se diversifia avec Bayezid II et Suleyman I avant d’atteindre son sommet à l’époque de Murad III et Mehmed III. Lorsqu’ils voulaient commander un livre, les sultans transmettaient leur souhait à un haut gradé du palais comme le grand-vizir qui présentait au Sultan le(s) candidat(s) aux fortes compétences littéraires et à une connaissance religieuse et éthique. Nous savons également que ces candidats devaient traverser certaines étapes avant de recevoir une commande. Les principaux ouvrages commandés sont des livres d’histoire des descendants Ottomans et des victoires des sultans, suivis de livres de sciences religieuses et autres sujets. Le délai de production d’un livre dépendait de l’envergure du projet. La production pouvait être longue et s’il s’agissait d’une œuvre importante, on engageait généralement toute une équipe. Durant une certaine période, on préféra écrire en persan pour ses caractéristiques littéraires. On présentait au Sultan les volumes au fur et à mesure qu’ils étaient reliés puis une fois l’ouvrage terminé, chaque maillon de cette chaine de production, de l’écrivain jusqu’au fabricant d’encre, était récompensé selon sa fonction. L’ouvrage une fois complet était impérativement soumis au Sultan. En retour, ce dernier offrait à l’auteur une ou plusieurs livrées, des terres lucratives comme un fief ou plus encore ainsi que de l’espèce sous formes d’aspres ou de pièces. En conséquence, la production d’un livre dans le palais ottoman, qu’il s’agisse d’une importante compilation ou juste d’une traduction, était une aventure longue et complexe. Le généreux mécénat artistique des sultans, a permis à l’État ottoman, en particulier durant les xve et xvie siècle, d’exposer son gout raffiné à travers entre autres, la production de livres artistiques et illustrés, donnant ainsi naissance au style Ottoman.