21 novembre 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Stéphane Audoin-Rouzeau, « Les Champs d’honneur, et ce que les historiens de la Grande Guerre ne voyaient pas », Quodlibet, ID : 10670/1.r0znpm
Paradoxalement, et même si celle-ci pourrait être esquissée, ce n’est pas une analyse « historique » du roman de Jean Rouaud dont il sera question dans cette communication. Il s’agira bien davantage de poursuivre un dialogue commencé il y a déjà un certain temps avec l’auteur des Champs d’honneur. Ce dialogue porte sur ce que ne voyaient pas les historiens de la Grande Guerre au moment où le livre fut publié en France en 1990, sur ce qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient pas voir, et qui constituait un étonnant angle mort de leur historiographie.Ce qu’ils ne voyaient pas, c’est le deuil. Non pas le deuil collectif, qu’ils avaient su appréhender, mais le deuil personnel, la perte intime. En posant la question de ce deuil-là – évidemment essentiel à toute compréhension de la guerre et notamment de son après-coup – Jean Rouaud a posé aux historiens une question qu’aucun d’eux n’avait été en mesure de poser. Une question simple, mais évidemment décisive : comment a-t-on souffert ? À ce titre, Les Champs d’honneur a constitué un défi historiographique qui a contribué à transformer, à l’insu de l’auteur, bien des regards historiens sur le Premier conflit mondial.