Les professions de la logistique au cœur des recompositions du groupe ouvrier d'une crise à l'autre (1982-2012)

Résumé Fr

ne des dimensions de la crise du fordisme est l'allongement des chaines de production, avec la délocalisation des usines des pays les plus développés vers des pays où la main d'œuvre est moins coûteuse. Ainsi, la désindustrialisation progressive de la France depuis la fin des années 1970 a entraîné le développement des activités de transport et de logistique. Ces activités emploient une main d'œuvre subalterne de plus en plus nombreuse, participant d'une recomposition importante du groupe ouvrier. A travers ces nouveaux emplois observe-t-on la formation d'une nouvelle condition ouvrière ? Les évolutions de la relation salariale dans ce secteur marquent-elles une rupture générationnelle ? Cette problématique s'inscrit dans le champ des travaux sur les transformations des classes populaires (ici principalement masculines), qui mettent au cœur de leur définition le travail et le rapport au travail. L'analyse empirique de l'évolution des conditions d'emploi et de travail permet de caractériser finement les changements récents de la topographie des positions professionnelles. Cette étude, qui s'inscrit dans un travail de thèse plus large sur les recompositions du groupe ouvrier en France, s'appuie sur le traitement quantitatif de données d'enquêtes nationales de la statistique publique (enquêtes Emploi et Condition de travail). En partant du niveau le plus détaillé de la nomenclature des PCS, je trace une sociographie de l'évolution du groupe ouvrier depuis le début des années 1980. Je montrerai ainsi en premier lieu la place croissante qu'y occupent les métiers du transport et de la logistique. Par rapport aux emplois des secteurs industriels, le recrutement y est de plus en plus jeune, de plus en plus diplômé et de plus en plus urbain. Les conditions d'emploi et de travail évoluent quant à elles vers une plus grande précarité et une intensification des rythmes de travail. Les processus d'externalisation des activités logistiques ont donc conduit à la segmentation du marché du travail ouvrier dans ce secteur, aux dépends des plus jeunes générations. La situation des jeunes intérimaires de la logistique est exemplaire d'un mode de gestion de la main d'œuvre fondé sur la flexibilité, dans un contexte de chômage de masse. Ces évolutions caractérisent de manière plus générale les professions ouvrières en expansion. Dès lors, ce travail invite à aller au-delà du déclin du monde ouvrier dans la France contemporaine pour s'interroger ses recompositions dans une économie tertiarisée.