2012
Cairn
Aurore Boulard et al., « Quand l’enfant dit « je » », Enfance, ID : 10670/1.rpwmk8
L’analyse statistique d’un corpus constitué de 309 discours d’enfants a permis d’observer l’évolution de l’utilisation des pronoms personnels « moi » et « je » et de mettre en évidence certaines variations d’utilisation en fonction de l’âge (entre 3 et 10 ans) et des conditions de production discursive. Trois situations ont ainsi été étudiées : une situation où l’enfant joue avec ses pairs (scénario de groupe), une situation quotidienne familiale (scénario parents) et une situation où l’enfant commente ce qu’il dessine en présence d’un observateur (scénario solitaire). Les résultats montrent que dès l’instant où le « je » apparaît, le moi auparavant utilisé seul en tant que sujet se transforme en complément du sujet- je. En tant que complément du sujet, il permettrait de créer une mise à distance du sujet parlant qui se met en scène. Le sujet pourrait donc se regarder agir, faire où être en tant qu’objet. Cette description suggère que la majorité des « moi » seraient utilisés chez les plus jeunes pour l’objectivation du sujet, que ce soit grâce au couple « moi-je » ou sous forme de rappel en fin de phrase. (par ex. : « Je sais faire ça, moi »). La forme « moi-je » si fréquente pourrait être considérée comme la forme réflexive la plus claire de l’avènement de la conscience de soi se manifestant au niveau du discours narratif autobiographique. Plus tard dans le discours de l’enfant, le « je » se rencontre seul. Notre suggestion est qu’étant davantage conscient d’être l’auteur de ses actions, l’enfant n’aurait plus systématiquement besoin du recours à l’utilisation de « moi » pour attester son existence en tant qu’agent.