2020
Cairn
Pierre Moor, « De l’épistémologie de la théorie du droit », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, ID : 10670/1.rztzka
On ne peut aborder la théorie du droit sans répondre préalablement à deux questions : que veut-on entendre par « droit », puis, en fonction de la compréhension qu’on en a, quels sont les instruments théoriques adéquats pour son analyse. Sur la première question, on comprendra le phénomène juridique dans la réalité de son fonctionnement : c’est-à-dire un système composé d’un ensemble de textes, dont les plus importants sont normatifs, textes qui sont produits par un ensemble d’acteurs – les juristes –, ou avec lesquels ceux-ci travaillent. C’est le fonctionnement de ce système complexe que la théorie du droit doit expliciter. La réponse à la seconde question – les instruments théoriques adéquats – découlent de cette analyse. Ils seront puisés d’une part dans la sémiologie, dans la mesure où le droit est impensable sans que soit prise en compte sa dimension textuelle, donc langagière : définir le statut sémiotique des signes formant les textes normatifs est donc indispensable à la compréhension du rapport qu’entretiennent les normes avec les choses qu’elles visent. D’autre part, la théorie contemporaine des systèmes permet d’appréhender le tissu des relations internes entre les acteurs du droit, tissu différencié qui lui confère son identité autoréférentielle, et de mettre en lumière les modalités de sa relation avec son environnement social. Le point de vue, en résumé, peut être dit externe, puisqu’il n’utilise pas des concepts juridiques, mais, au contraire, en fait son objet d’analyse ; et la théorie du droit, n’étant pas une discipline juridique, est un élément de la sociologie du droit.