Gestion des espaces forestiers provençaux et ligures au Néolithique : approche anthracologique Management of the Liguro-Provençal forested area during the Neolithic : anthracological contribution Fr En

Résumé Fr En

La région liguro-provençale s’étend des Apennins septentrionaux à la moyenne vallée du Rhône et des Alpes du Sud à la Méditerranée. Dans cette zone, l’avènement puis le développement des économies de subsistance basées sur l’agriculture et l’élevage, à partir du début du VIe millénaire av. n. è., a conduit à la modification à la fois du couvert forestier préexistant et de la relation entre les sociétés et le milieu qu’elles exploitent. Dans ce travail, nous précisons les modalités de ces évolutions par l’analyse anthracologique de six sites archéologiques bien documentés, occupés (de manière générale) entre la fin du Mésolithique (Castelnovien) et le Néolithique final, c’est à dire de ca 6500 à 2000 av. n. è. : la Font-aux-Pigeons (Châteauneuf-les-Martigues, 13), l’abri Pendimoun (Castellar, 06), « RD 560/RD 28 déviation de St-Maximin » et « le Clos de Roques/Route de Barjols » (Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, 83), la Grotte de Pertus II (Méailles, 04), Ponteau (Martigues, 13) et le Limon-Raspail (Bédoin, 84). Ils sont localisés dans des contextes environnementaux variés, du littoral jusqu’à 1000 m d’altitude dans l’arrière-pays, et documentent des occupations ponctuelles à sub-permanentes. Les résultats obtenus sont venus combler des lacunes chronologiques, géographiques et sitologiques qui existaient jusque-là. Ainsi, ils permettent, par l’analyse d’un large corpus intégrant des données anthracologiques préexistantes et polliniques (78 séquences botaniques, en contexte archéologique ou naturel, ont été considérées au total), de proposer des scénarios nuancés de l’évolution des paysages et des pratiques à l’échelle de la région liguro-provençale.Si les dynamiques de végétation semblent relativement similaires et synchrones de part et d’autre de cette région, leur traduction en termes de paysages est beaucoup plus variable. Au Castelnovien et à l’Impressa (6500-5600/5400 av. n. è.), notre approche révèle la prépondérance des taxons forestiers comme les chênes caducifoliés (Quercus f.c.), l’orme (Ulmus sp.), le tilleul (Tilia sp.) et l’expansion du sapin (Abies sp.), ce qui appuie l’importance de futaies denses, diversifiées et sub-matures, sur un large gradient altitudinal. Dans les basses terres et en altitude, préexistent des milieux ouverts (respectivement à sclérophylles et à conifères héliophiles). Ces milieux semblent plus attractifs en tant que lieux d’implantation que les formations à sapins, peut-être car ils sont plus propices aux activités de subsistance de chaque groupe (chasse, pastoralisme, agriculture). À partir de la seconde moitié du VIe mill. av. n. è., des étages méditerranéens aux étages alpins, l’augmentation discrète des végétaux les plus compétitifs en contexte d’ouverture du milieu et le recul des taxons qui y sont plus sensibles renvoient aux premières atteintes anthropiques du couvert forestier. Puis, cette tendance se renforce, les futaies s’ouvrent et sont remplacées par des formations de dégradation, plutôt en taillis. Ce processus se déroule sur fond de diversification de l’exploitation du territoire et de ses ressources ligneuses, des basses terres jusqu’aux très hautes terres. Cependant, malgré le parallèle entre le développement des systèmes agro-sylvo-pastoraux et l’augmentation de l’anthropisation du milieu et de son exploitation étagée, des séquences anthracologiques attestent du maintien des chênaies caducifoliées dans l’arrière-pays, jusqu’au Néolithique final, par exemple au Limon-Raspail et à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Ainsi, au fil du Néolithique, l’ouverture anthropique du milieu se déploie probablement sous forme d’éclaircies, de plus en plus répandues mais qui demeurent localisées. Ces évolutions du couvert forestier, caractérisées, d’une part, par un recul des formations forestières et une baisse de leur diversité et, d’autre part, par l’essor des taxons de milieux ouverts, soulignent la contribution des pratiques néolithiques à la genèse du paysage végétal actuel.

The Liguro-Provençal region extends from the Northern Apennines to the Rhone River and from the Southern Alps to the Mediterranean Sea. In this region, the emergence and the development of agro-pastoral subsistence economies, at the beginning of the VIth mill. BCE, led to changes in pre-existing forest cover and in interactions between societies and the landscapes they exploited. This work specifies the modalities of these transformations through charcoal analyses of remains from 6 well-documented archaeological sites that were occupied from the end of the Mesolithic (Castelnovian) to the late Neolithic (6500-2000 cal. BCE), including la Font-aux-Pigeons (Châteauneuf-les-Martigues, Bouches-du-Rhône), l’abri Pendimoun (Castellar, Alpes-Maritimes), « RD 560/RD 28 déviation de St-Maximin » and « le Clos de Roques/Route de Barjols » (Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Var), la Grotte de Pertus II (Méailles, Alpes-de-Haute-Provence), Ponteau (Martigues, Bouches-du-Rhône) and Limon-Raspail (Bédoin, Vaucluse). These sites occupied a variety of environments ranging from the coast to regions reaching 1000 m a.s.l, and include occupations that were temporary to sub-permanent. As a result, this research has filled previously existing chronological, geographical and settlement pattern lacunae. Examination of a broad corpus of charcoal and pollen data (78 botanical sequences from archaeological and natural contexts) permits us to propose nuanced scenarios on landscape evolution and its relation to practices carried out across the Liguro-Provençal region.While vegetation dynamics seem relatively synchronous across this zone, their translation in terms of landscape is more variable. During the Castelnovian and Impressa (6500-5600/5400 cal. BCE) periods, our study reveals the predominance of forest taxa such as deciduous oak (Quercus deciduous), elm (Ulmus sp.), lime (Tilia sp.) and the expansion of fir (Abies sp.), which supports the importance of dense, diversified and sub-mature forests, on a broad altitudinal gradient. Open landscapes (evergreen taxa and light-demanding conifers) also prevailed in the lowlands and at high altitudes. These open landscapes appear to have been more attractive for settlement than fir forests, maybe because they are more favourable for the main subsistence activities of both groups (hunting, farming, pastoralism). From the mediterranean to alpine stages, there was a discreet rise in plant-types that are more competitive to the opening up of the canopy, and a decrease of taxa that are more sensitive to open conditions as a response to the first anthropogenic disturbances of the forest cover, from as early as the second half of the VIth mill. BCE. This trend increased with time as forests opened up and were replaced by more disturbance-adapted formations that grew in the form of coppices. This process unfolded in parallel with the diversification of territorial exploitation (lowland to upland) and of its woody resources. However, despite concordance between the development of the staged exploitation of the environment and anthropogenic pressures related to the expansion of agro-pastoral systems, the maintenance of deciduous oak forests in the hinterland is attested by charcoal sequences from sites such as Limon-Raspail and Saint-Maximin-la-Sainte-Baume until the late Neolithic. Thus, over the course of the Neolithic, the anthropogenic opening of the forest cover probably unfolded in the form of increasingly widespread thinning but which remained limited in space. These landscape transformations are characterized by a decline of forest cover and by a decrease of their diversity on the one hand, and by the rise and the diversification of taxa related to open landscapes on the other hand, highlighting the contribution of Neolithic practices to the genesis of the current vegetal landscape.

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