2016
Cairn
Alexandre Péraud, « Les intérêts syncrétiques du roman », L'Homme et la société, ID : 10670/1.s0ynzf
Bien qu’ils se tiennent loin des tumultes boursiers ou des grands appétits commerciaux, Eugénie Grandet de Balzac et La Joie de vivre de Zola sont deux romans qui décrivent avec rigueur les différentes pathologies de l’intérêt. Ces récits domestiques (et provinciaux) ne se contentent pas, en effet, de dépeindre les classiques « conflits d’intérêts » qui mettent en concurrence les personnages dans leur désir de capter les ressources (matérielles, financières, sexuelles…), mais ils font également coexister des comportements intéressés quasi contradictoires. Ici, l’intérêt conçu, au vieux sens du terme, comme une attirance ressentie à l’égard d’autrui (curiosité, amour…) ; là, l’intérêt entendu au sens moderne en termes de maximisation rationnelle de son utilité. Mais, alors que la combinatoire de ces conflits est à même d’engendrer l’indistinction et le chaos, le roman échappe dans les deux cas à cet écueil par la requalification fiduciaire. Tout se passe ainsi comme si l’intérêt et la logique créancière permettaient d’apprivoiser et de canaliser le conflit des intérêts inhérent à la compétition libérale.