2006
Cairn
Jean-François Nieus, « Du donjon au tribunal. : Les deux âges de la pairie châtelaine en France du Nord, Flandre et Lotharingie (fin XIe-XIIIe s.) (1re partie) », Le Moyen Age, ID : 10670/1.sjn0bh
À partir de la fin du XIe siècle, dans une cinquantaine de châteaux majeurs (sièges de châtellenie, de comté secondaire ou de principauté) du nord de la France, du sud de la Flandre et – dans une moindre mesure – de l’espace lotharingien, de petits groupes de chevaliers, en général une douzaine, ont commencé à porter le titre de « pairs du château » (pares castri). L’appartenance à ces collèges chevaleresques était réservée aux détenteurs d’un fief spécifique, dit « fief de pairie », qui impliquait la prestation de services déterminés au château. L’origine et les fonctions de cette institution jusqu’à présent mal comprise font ici l’objet d’une interprétation nouvelle sur base de l’ensemble des cas repérés dans les sources. Les différents groupes de pairs sont d’abord passés en revue dans une partie introductive qui rend compte de leur distribution géographique, et dans laquelle sont examinés les indices permettant de fixer leur genèse au tournant des XIe et XIIe siècle (première partie de l’article). Il s’agit ensuite de caractériser la situation originelle de la pairie, par le biais incommode d’une documentation tardive qui dévoile surtout les mutations subies par l’institution au terme du XIIe siècle (suite et fin de l’article, à paraître). Il apparaît que les membres de la pairie formaient l’élite chevaleresque et aristocratique du territoire coiffé par leur château d’attache. Tout indique que leur service était à l’origine de nature militaire : les pairs étaient responsables de la défense du château, où ils effectuaient une longue période de garde (ou estage) annuelle. On suggère que l’institution est née au moment où s’esquissait la « déconcentration » de la société châtelaine du XIe siècle, pour permettre à l’élément huppé du groupe des milites castri de maintenir un lien privilégié avec le château et ses structures nourricières, ainsi que, dans le même temps, de s’isoler spectaculairement du tout-venant des vassaux agglomérés au réseau châtelain. Au tournant des XIIe et XIIIe siècles, la pairie est entrée dans un deuxième âge : la démilitarisation de la seigneurie châtelaine a précipité le déclin de sa fonction guerrière, souvent relayée par une fonction juridictionnelle, plus ou moins développée suivant les cas, dans le cadre de la cour féodale et du tribunal seigneurial ou princier. Son rôle social restait toutefois inchangé.