2019
Cairn
Stéphanie Genand, « Les vertus de l’abdication : dépassionner la relation entre Germaine de Staël et Napoléon », Napoleonica. La Revue, ID : 10670/1.taeylw
Le titre de cette contribution peut surprendre ou résonner comme une provocation tant il est rarement associé à l’univers de Napoléon. Le terme d’ abdication n’y évoque en effet, a priori, que de mauvais souvenirs et l’écho, quelque deux cents plus tard, du renoncement au pouvoir auquel l’Empereur se voit contraint par les forces alliées après la défaite de Waterloo. Cette acception n’est pourtant pas la seule et si le mot d’ abdication peut être choisi comme clé programmatique pour réexaminer les relations entre Germaine de Staël et Napoléon, c’est que le terme appartient aussi étroitement au vocabulaire staëlien. Il y revêt, évidemment, un autre sens : non plus historique ni militaire, mais philosophique et plus précisément moral. L’abdication désigne – sous la plume de Mme de Staël, qui la définit dans les Réflexions sur le suicide qu’elle publie en 1812 – l’oubli de soi et le sacrifice de ses intérêts à l’épreuve de la douleur : « Il n’y a point de doute que nous ne sortions sensiblement meilleurs de l’épreuve de l’adversité, quand nous nous y soumettons avec une fermeté douce. Les plus grandes qualités de l’âme ne se développent que par la souffrance, et ce perfectionnement de nous-mêmes nous rend, après un certain temps, le bonheur. [...] L’existence humaine bien conçue n’est autre chose que l’abdication de la personnalité pour rentrer dans l’ordre universel 1. »