25 juillet 2015
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Jean-Christophe Foltête et al., « Graphab 2: Graphes paysagers pour évaluer et atténuer l’impact des grandes infrastructures de transport sur les espèces », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.u7k490
Depuis une dizaine d’années, les graphes paysagers sont une des approches les plus utilisées pour modéliser les réseaux écologiques et mesurer la connectivité paysagère dans une perspective opérationnelle. Un graphe paysager est constitué d’un ensemble de noeuds (les taches d’habitat pour une espèce ou un groupe d’espèce) potentiellement connectés par des liens représentant les chemins de déplacement potentiels. Par leur simplicité de construction, ces méthodes ont pour vocation de fournir un appui à l’aménagement et la gestion paysagère, dans une logique de préservation des continuités écologiques. Dans cette perspective, le projet Graphab 2 vise à utiliser les graphes paysagers pour estimer l’impact des infrastructures de transport sur la fonctionnalité des réseaux écologiques, et à fournir des indications pour localiser des mesures d’atténuation (passages à faune) et de compensation (création ou restauration d’habitats). Dans un premier volet, les travaux ont porté sur l’utilisation de données génétiques acquises pour une espèce de chiroptère (le petit rhinolophe) en Franche-Comté. Il s’agissait de mettre en place une méthode d’estimation de l’impact d’une infrastructure de transport sur le degré d’isolement des sous-populations. Les analyses menées ont permis de constater l’existence d’un lien étroit entre la structure spatiale des données génétiques et la configuration du graphe représentant le réseau écologique. Ce lien statistique a tout d’abord permis de souligner la coupure créé par l’autoroute A36 sur les flux de dispersion de l’espèce. Il a ensuite été utilisé pour estimer l’effet potentiel de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône récemment mise en service. Selon les résultats obtenus, la LGV devrait avoir un effet cumulé avec l’autoroute A36, en isolant les gîtes de petit rhinolophe situés le long de la basse vallée du Doubs. Dans un second volet, les graphes paysagers ont été utilisés dans une logique d’aide à la décision, dans un contexte de gestion de population dont les réseaux sont menacés par des infrastructures. En Franche-Comté, dans un Espace Naturel Sensible où un réseau d’amphibiens (notamment la rainette arboricole) a été affecté par l’implémentation de la LGV Rhin-Rhône, un protocole a été mis en place pour identifier les lieux les plus propices au creusement de nouvelles mares. La comparaison avec les localisations proposées par des experts de terrain a confirmé l’intérêt de la méthode. Dans la province montagneuse du Yunnan (Ouest de la Chine), une étude a porté sur le réseau écologique d’un primate endémique, le Rhinopithèque de Biet, impacté par un projet d’aménagement routier. Plusieurs scénarios ont été comparés, pour évaluer le report d’une partie du trafic sur un tronçon aménagé en tunnel, à combiner potentiellement avec la restauration de forêts d’altitude. Les résultats conduisent à hiérarchiser les scénarios en fonction de leur capacité à restaurer la connectivité de l’espèce. Un troisième volet s’intéresse au potentiel des graphes paysagers dans l’aide à la décision pour la gestion des infrastructures de transport. Il propose des analyses sans référence à une espèce précise, mais intégrant des profils d’espèces génériques. Plusieurs études ont porté sur la localisation de passages à faune. Le long de la LGV Rhin-Rhône (branche Est), une méthode a été mise en place pour trouver comment identifier plusieurs points de passages complémentaires, en utilisant des profils d’espèces forestières. Dans la vallée du Grésivaudan (Isère) traversée par les autoroutes A41 et A48, la même démarche a été appliquée pour déterminer les points de passages pertinents pour huit profils d’espèces différents. Les résultats conduisent à identifier une zone de reconnexion favorable à la plupart des espèces considérées. L’ensemble des recherches menées dans ce projet s’est accompagné du développement du logiciel Graphab. Cet outil téléchargeable librement a trouvé un écho favorable dans la communauté scientifique, puisqu’il est actuellement utilisé dans plusieurs travaux portant sur les questions de connectivité écologique et d’aménagement du territoire.