2013
Cairn
John D. Lyons, « Pascal et les frontières du visible », Littératures classiques, ID : 10670/1.ul12bq
Au XVIIe siècle, l’extension du champ de vision permise par les nouveaux instruments optiques eut des répercussions bien au-delà de ce que nous appelons aujourd’hui les sciences naturelles. Paradoxalement, cet accroissement de la visibilité ne diminua pas l’intérêt pour l’invisible. Bien au contraire, la frontière entre le visible et l’invisible devint plutôt un front polémique dans plusieurs débats. D’un côté, les incroyants se réclament de la visibilité et abandonnent avec ironie l’invisible aux croyants. D’un autre côté, parmi les croyants eux-mêmes, une ligne de partage sépare les défenseurs de l’existence du vide malgré son invisibilité et les partisans de la doctrine traditionnelle de l’absence du vide dans la nature. Pascal est partie prenante de ces deux combats en même temps, car il soutient l’existence d’un monde spirituel invisible ici-bas tout en revendiquant la possibilité d’un vide dans le monde physique. On pourrait situer ces débats dans un cadre culturel large excédant la sphère francophone (dans le Massachusetts, Cotton Mather publie en 1693 son polémique Wonders of the Invisible World), mais notre article se centre plus spécifiquement sur certains fragments des Pensées qui mobilisent les notions du visible et de l’invisible, notamment les passages « Disproportion de l’homme » et « Imagination », ainsi que sur la controverse soulevée par « la grande expérience de l’équilibre des liqueurs » et qui opposa Pascal au jésuite Etienne Noël.