2009
Cairn
Issa Saïbou et al., « Banditisme et contestation de l'ordre allogène au Nord-Cameroun », Afrique & histoire, ID : 10670/1.w39d7r
L’histoire politique du bassin du lac Tchad regorge de figures dont l’audace a traversé le temps. Leur aura, transmise aux générations récentes à travers les traditions orales, particulièrement les chansons, retrace l’action d’hommes virils, intrépides, protecteurs de leur communauté. Dans l’adversité, leur mémoire est ressassée pour exalter les vertus de de l’endurance. violence perpétrés Ceci est à l’encontre l’endoperception, des adversaires un regard de valorisant la communauté. et approbateur Si, historiquement, des actes l’agression à main armée est un mode d’accumulation et une pratique culturelle, il n’en demeure pas moins qu’avec les mutations politiques de la région, l’imposition des hégémonies musulmanes sur les groupes dits païens et l’avènement de la colonisation européenne à la fin du xixe siècle, le pillage fut criminalisé. Du fait de son impact sur les ressources et la sécurité des personnes, le pillard est désormais qualifié de voleur. Cette appellation est non seulement péjorative, mais encore elle délégitime la fonction politique du vol en tant que mode de résistance. En confrontant la logique des communautés paysannes de la partie septentrionale du Cameroun et la logique des détenteurs de l’autorité traditionnelle et du pouvoir colonial, cet article étudie deux variantes du banditisme social, l’un communautaire, l’autre héroïque. Le caractère social du banditisme des Guiziga de la plaine du Diamaré résulte du recours au vol à main armée à l’encontre des Peuls, comme mode de résistance à leur hégémonie et de répulsion de leur domination. Le vol est alors une forme de guerre asymétrique face à des adversaires mieux équipés et alliés de l’administration coloniale. Au-delà de l’épopée proprement dite, l’exemple de Zigla rend compte de l’engagement d’un leader à défendre et à protéger son peuple aussi bien face aux pouvoirs musulmans locaux que face à l’autorité coloniale allemande. Certes, Zigla a fait carrière dans les razzias et les pillages, mais il n’était pas plus bandit que les chefs des royaumes et principautés musulmanes qui, eux aussi, organisaient des expéditions à l’encontre des Mousgoum et d’autres peuples pour collecter le butin. Cet article tente de réhabiliter la figure historique que fut Zigla, sans sublimer ses actes mais en les insérant dans les modes parallèles de résistance à l’influence étrangère.