2013
Cairn
Carole Ferret, « Leurrer la nature. Quelques exemples de manipulation des bêtes en Asie intérieure », Cahiers d'anthropologie sociale, ID : 10670/1.w3e8ze
Leurrer est une manipulation du type « faire croire pour faire agir ». Son efficacité se fonde sur une tromperie des sens. Elle implique que le sujet leurrant suppose une forme d’intentionnalité chez l’objet leurré. Outre la chasse au vol, domaine primordial du leurre, l’élevage pastoral en Sibérie et en Asie centrale nous fournit plusieurs exemples de telles manipulations. Ainsi, la méthode de la « sucée » employée pour la traite des femelles, avec participation du petit, montre que la mulsion n’est pas une simple opération de prélèvement, mais plutôt une manipulation de la femelle qui, abusée par la vue, l’odeur et le toucher de son petit, consent à donner son lait. De même, plusieurs procédés olfactifs, gustatifs, visuels, tactiles et auditifs (recouvrir le jeune adopté par la peau du petit mort, l’enduire de sel, des sécrétions vaginales de la mère, jouer de la musique, etc.) sont utilisés en cas de refus d’allaitement de son petit ou d’adoption d’un autre. Pour le gardiennage, les huchements d’appel et de conduite des troupeaux ne répondent que partiellement à la logique du leurre. Si quelques-uns sont motivés dans leur forme par l’imitation du cri animal, il s’avère que, dans l’émission de ces huchements, les bergers apparaissent peu soucieux de parfaire cette imitation et leur efficacité se base surtout sur la répétition, créant un conditionnement. D’autres leurres tels que les épouvantails à loups, enfin, sont utilisés dans la chasse ou pour effaroucher les prédateurs du bétail.