La guerre par le droit : justice, domination et violence en Afghanistan (2001-2018) Laws at War : justice, Domination and Violence in Afghanistan (2001-2018) Fr En

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À l’inverse de la perception dominante, les guerres civiles ne sont pas des situations de non-droit, mais de compétition entre systèmes juridiques. Cette thèse retravaille les approches sociologiques du droit et de l’État pour penser l’établissement de tribunaux par un mouvement armé. À travers une enquête de terrain conduite entre 2010 et 2016, j’analyse les implications sociales et politiques de la formation d’un droit par l’insurrection Taliban en Afghanistan. Dans un contexte où rendre justice est indissociablement une activité juridique, un instrument de contrôle social et un enjeu de la guerre, comment un mouvement armé peut-il faire reconnaître les décisions de ses juges comme autant d’actes juridiques et non politiques ? Autrement dit, comment le juge Taliban, qui est Taliban autant que juge, parvient-il à se faire reconnaître dans sa fonction par la population ? Les Taliban mettent en place leurs tribunaux dans un contexte d’incertitude juridique radicale causé par des décennies de guerre civile et alimenté, après 2001, par l’intervention militaire occidentale. En vue d’assurer l’impartialité de ses juges, l’insurrection les intègre dans un système institutionnel et encadre leurs pratiques par des procédures rudimentaires d’objectivation. Tout en restant pris dans la guerre, ce système juridique permet au mouvement armé de régler des conflits privés et, par là, de légitimer son emprise territoriale et d’appliquer son programme politique.

Contrary to the dominant perception, civil wars are not caracterized by lawlessness, but by competition between legal systems. This dissertation rely on the sociological approaches of law and the State to conceptualize the establishment of courts by an armed movement. Based on fieldworks carried out between 2010 and 2016, I analyze the social and political implications of the formation of law by the Taliban insurgency in Afghanistan. In a context in which justice is indissociably a legal activity, an instrument of social control and a stake in the war, how can an armed movement make the decisions of its judges recognized as legal and not political acts? In other words, how does a Taliban judge, who is a Taliban as much as a judge, manage to be recognized in his function by the population? The Taliban have set up their courts in a context of radical legal uncertainty caused by decades of civil war and fueled, after 2001, by Western military intervention. In order to ensure the impartiality of its judges, the insurgency have integrated them into an institutional framework and regulate their practices by rudimentary procedures of objectivization. While remaining caught up in the war, this legal system has allowed the armed movement to settle disputes, and thereby legitimize its territorial hold and apply its political agenda.

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