2021
Cairn
Ratiba Hadj-Moussa et al., « Une si longue absence : notes sur la politicité de la rue en Algérie », Maghreb - Machrek, ID : 10670/1.wspxfu
La rue a longtemps été interdite aux Algériens. Lorsqu’elle est mentionnée, elle renvoie le plus souvent à des groupes en colère, diffus et incontrôlables exigeant du régime qu’il réponde à leurs revendications. Mais cette rue se caractérise aussi et plus profondément par un silence assourdissant. En effet, précédant le hirak, le mouvement de protestation populaire, Alger, à l’instar de la majorité des centres urbains, est devenue le fantôme d’elle-même.Cet article retrace les interdits touchant au droit à l’expression associative et citoyenne en problématisant la conception du politique sous-jacente à l’appréhension de la « rue algérienne ». Dans un premier temps, nous faisons la critique de la conception constitutionnaliste du politique dont les limites sont aujourd’hui patentes. Nous analysons les rapports entre les gouvernants et les gouvernés en prenant en compte la déliaison qui existe entre les régimes politiques successifs et la « population ». Cette déliaison, souvent pensée du point de vue de l’État, a renforcé l’idée de la dépolitisation de la société. Mais à trop s’attarder sur l’État et ses formes de prédations, les points de ruptures inscrits dans la société ou activés par elle ont été négligés, comme l’ont été la temporalité et les effets de ces ruptures. Nous revenons dans un deuxième temps sur la rue « périphérique », pour montrer les points d’appui qui ont aidé à « régionaliser » la rue et qui ont, de façon inattendue, facilité la diffusion de l’idée de « rue politique ». Enfin, nous nous arrêtons aux significations prises par la politicité de la rue dans le hirak et ses différentes manifestations de la citoyenneté.