2004
Cairn
Isabelle Saint-Saëns, « Des camps en Europe aux camps de l'Europe », Multitudes, ID : 10670/1.x9i5g6
Les camps d’étrangers existent depuis longtemps en Europe. Si, des zones d’attente françaises aux camps des îles grecques, le régime en vigueur, la durée moyenne de maintien, le statut des étrangers qui y sont placés (dont le seul délit est d’avoir enfreint ou tenté d’enfreindre les règles que fixent les États pour le franchissement de leurs frontières) varient, partout on y retrouve violation des droits fondamentaux et violences physiques et morales. Mais un camp, c’est aussi un processus (de contrôle, de filtrage) :plus uniquement lieu d’enfermement et d’immobilisation, mais aussi tentative, inscrite dans l’espace, de canaliser et gérer les déplacements, et rendre la mobilité productive. Ce dont ne rend pas compte le terme rabâché de Forteresse Europe, véhiculant des schémas victimaires et paternalistes niant les migrants comme sujets. Les récents projets européens d’externalisation des camps pour demandeurs d’asile hors d’Europe (Libye, Maroc, Ukraine) représentent un tournant décisif : abandon par les pays de l’UE des responsabilités qui leur incombent au titre des de leurs engagements internationaux (Convention de Genève, ...), et inscription dans la doxa européenne, en lieu et place de politiques d’asile et d’immigration, d’une gestion policière et utilitariste dont les camps sont un élément essentiel.