Dans l’ombre de l’Histoire. Anis Kidwai et l’histoire féministe de la Partition de l’Inde

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2021

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Anne Castaing, « Dans l’ombre de l’Histoire. Anis Kidwai et l’histoire féministe de la Partition de l’Inde », Clio. Femmes, Genre, Histoire, ID : 10670/1.xdhhok


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En 1971, Anis Kidwai, jeune veuve de la bourgeoisie intellectuelle musulmane d’Inde du Nord devenue travailleuse sociale, publiait Azadi ki chaon me (Dans l’ombre de la liberté), autobiographie bouleversante rédigée plus de vingt ans plus tôt, dans le bruit et la fureur qui accompagnèrent en 1947 la Partition de l’Inde au moment de la décolonisation. Elle met en évidence l’ampleur des violences genrées pendant la Partition, violences largement bannies des histoires nationales jusqu’aux années 1990-2000 où elles furent réexaminées par les historien.nes des Subaltern Studies. Cette autobiographie constitua à cet égard une source amplement mobilisée par des historien.nes soucieux d’explorer les « consciences subalternes », dont le récit de vie fut un véhicule privilégié. À cet égard, bien que très documentée, l’autobiographie de Kidwai constitue un choix peu anodin puisqu’il conjugue le témoignage et le « littéraire », mobilise tout autant le mode du récit référentiel que celui de l’expérience historique et le registre de l’émotion. Cet article s’intéresse à cette autobiographie, sa redécouverte puis sa traduction dans les années 2000, comme témoin du changement radical de paradigme entrepris par les Subaltern Studies dans leur approche de l’histoire, et plus particulièrement de l’histoire des violences de masse.

In 1971, Anis Kidwai, a young widow belonging to the North Indian Muslim intellectual bourgeoisie, published her memoirs, Azadi ki chaon me (“In Freedom’s Shade”), written more than twenty years earlier, in the aftermath of the 1947 Partition of India. In these memoirs, her narrative highlights the massive gender violence that accompanied independence and Partition, a violence that was silenced in national histories until the 1990s, when Partition came to be reexamined by historians working in Subaltern Studies. In this respect, Kidwai’s autobiography was a source much consulted by historians interested in exploring “subaltern consciousness”, for which memoir-writing offered a particular way in. Well-documented as it is, Kidwai’s text constitutes a significant choice, since it combines testimony and literary expression, being both highly referential and willingly subjective, even affective. This article examines her autobiography, its rediscovery and translation in the 2000s, as witness to the radical paradigm shift undertaken by Subaltern Studies in their approach to history, and more particularly to the history of mass violence.

En 1971, Anis Kidwai, joven viuda de la burguesía intelectual musulmana de India del norte que se hizo trabajadora social, publica Azadi ki chaon me (En la sombra de la libertad), autobiografía emocionante redactada veinte años antes, en el ruido y el furor que acompañaron en 1947 la partición de India en el momento de la descolonización. Pone en evidencia la magnitud de las violencias de género durante la Partición, violencias excluidas de las historias nacionales hasta los años 1990-2000 cuando fueron reexaminadas por historiadoras de los Estudios Subalternos. Esta autobiografía constituyó una fuente ampliamente movilizada por historiadoras que buscando explorar las conciencias subalternas privilegiaron relatos de vida. En este aspecto, aunque muy documentada, la autobiografía no deja de ser una elección poco común ya que conjuga el testimonio y la literatura, el relato referencial, la experiencia histórica y el registro de la emoción. Este artículo muestra que esta autobiografía y sobre todo su redescubrimiento y traducción en los años 2000 atestiguan un cambio radical del paradigma de los estudios subalternos en su manera de escribir la historia, y en particular las violencias de masa.

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