2020
Cairn
Annie Crépin, « De l’impôt du sang au devoir du citoyen (1789-1872). L’engagement de la France septentrionale dans la défense de la Nation », Revue du Nord, ID : 10670/1.xtjnuj
La Révolution française invente la participation du citoyen – même celui qui ne fait pas métier des armes – à la défense nationale. Ce devoir finit par être considéré comme la liberté suprême du citoyen, voire comme l’incarnation de la citoyenneté. Elle est institutionnalisée par la création de la conscription que chacun des régimes qui se succèdent au xixe siècle remodèle à sa façon mais garde, tant elle est pour l’État-nation centralisateur un outil d’achèvement de l’unité nationale. Pour autant, les Français n’y adhèrent pas unanimement ni immédiatement. Il s’en faut de quatre-vingt ans. Le processus d’enracinement de l’institution varie selon les époques, selon les couches sociales et selon les régions. Il emprunte des chemins particuliers à chaque région. En France septentrionale, par exemple, l’engagement des citoyens connaît trois phases. Au commencement des guerres de la Révolution, une acceptation initiale qui n’est pas durable. Puis, à partir de 1793, un basculement place la France septentrionale dans le « camp du refus » jusqu’à la fin de la conscription napoléonienne. L’engagement prend la forme d’une résistance à la conscription. Après la chute du premier Empire, s’ouvre une troisième phase. La France septentrionale rejoint le camp des bons départements conscriptionnels. Il est vrai que la conscription n’est pas encore le service militaire obligatoire et ne requiert pas non plus alors l’engagement personnel de chaque citoyen. La population la perçoit comme l’impôt du sang même si elle ne conteste plus la nécessité pour la collectivité de s’en acquitter.