2014
Cairn
Houria Abdelouahed, « L'inquiétante étrangeté au cœur de la traduction », Cliniques méditerranéennes, ID : 10670/1.yammbg
Habité par la pulsion d’exhumer et guidé par son imagination régressive, le poète Adonis dans al-Kitâb plonge dans l’histoire des Arabes qui équivaut à une rencontre avec les affres du pouvoir et une traversée de l’enfer terrestre. Le poète traduit en mots les pensées et les affects gelés ou pétrifiés et nomme les disparus, victimes d’un pouvoir anthropophage, transformant ainsi « l’histoire-légende » en « histoire-travail ».Le poète traduit le trauma collectif. Son moi se dédouble et se multiplie, sa langue est crue pour dire les atrocités cauchemardesques provoquant un sentiment d’inquiétante étrangeté.L’auteure, qui est la traductrice d’Adonis, rencontre doublement ce sentiment d’inquiétante étrangeté. Car, traduisant, elle se dédouble, à l’instar du poète, et se multiplie. À l’instar du poète, elle utilise la langue crue. Mais elle vit également l’inquiétante étrangeté qui lui vient du refoulé de son histoire.