2020
Cairn
Erick Sourna Loumtouang, « La guerre vue du ciel : l’usage des drones en terrain africain », A contrario, ID : 10670/1.z24x8w
Fin mars 2016, un reportage de la chaîne France 24 dans l’Extrême-Nord Cameroun fait état de l’usage des drones par l’armée camerounaise pour combattre Boko Haram. Ces engins, dit le responsable de la communication du ministère de la Défense camerounaise, permettent de réduire les efforts humains et de surveiller la frontière camerouno-nigeriane, devenue névralgique depuis le début de l’insurrection armée de Boko Haram en 2009. Le 17 février 2017, the Voice of America poste sur sa chaîne YouTube en langue Haoussa, une vidéo montrant de jeunes adolescents, combattants dans les rangs de Boko Haram en train de piloter un drone, à l’image des multiples prototypes qu’il est possible d’acquérir au détour d’un clic sur internet et dans des magasins de gadgets électroniques au Nigeria. Les insurgés à côté de ces pilotes de fortune, vraisemblablement impressionnés par l’objet, cachent mal leur joie à la vue du petit insecte dans les airs. Ces deux tableaux mettent en évidence l’usage des drones dans le cadre du conflit qui oppose les États du bassin du lac Tchad au mouvement djihadiste Boko Haram. Si ces deux fresques donnent à voir l’omniprésence des drones en ce début de XXIe siècle, cette situation masque au contraire la longue histoire de leur utilisation même si celle-ci est inégalement répartie en fonction des continents. L’Afrique est dans ce contexte la dernière frontière des drones. Sur le continent africain, les drones amorcent dans ce continent une percée autant à travers leurs applications civiles et militaires. Si cette tendance traduit un vent de nouveauté dans l’usage des nouvelles technologies, elle préfigure un nouvel impérialisme sur fond technologique. Réflexion de nature exploratoire, cette étude se propose de discuter l’utilisation des drones en terrain africain dans une perspective critique. On s’intéressera ainsi d’une part à l’usage civil des drones, sans les déconnecter des logiques néolibérales qui sous-tendent la conquête du marché africain par les constructeurs occidentaux et asiatiques, et d’autre part à l’utilisation de ces aéronefs sans pilote dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad.